Exceptions Gourmandes de Philippe Conticini

Il doit y avoir des gens qui entrent dans les pâtisseries, jettent un oeil, commandent ce qui leur fait envie, et ressortent. Je ne sais pas comment ils font.

Prenez par exemple la nouvelle boutique de Philippe Conticini, à laquelle je me suis rendue le mois dernier, avant de partir en Australie. C’est une adresse de poche, à peine plus grande que ma cuisine, mais avec des murs en pierre apparente, et dont toute la façade est mangée par une porte en bois et une fenêtre qui donne sur la ravissante place du Marché Sainte-Catherine (qui est surtout ravissante un mardi après-midi en février, quand il n’y a que quelques chats).

Si l’évocation du nom de Philippe Conticini au paragraphe précédent vous a fait hausser un sourcil interrogateur, voici l’antisèche de rigueur : il s’agit d’un pâtissier de renom qui a officié à La Table d’Anvers, chez Pétrossian et au sein de la légendaire et néanmoins défunte Pâtisserie Peltier. Il a aussi publié des livres pleins de belles et bonnes idées (dont celui-ci, qui est si grand qu’on pourrait camper en-dessous) et lancé une société de conseil/traiteur baptisée Exceptions Gourmandes.

Macarons

(J’ouvre une parenthèse pour raler contre ces sites tout en Flash horripilants et confus, qui vous jettent des animations à la figure et des effets sonores aux oreilles, et qui sont tellement difficiles à maintenir que les informations qu’ils présentent sont instantanément périmées. Un peu de simplicité n’a jamais fait de mal à personne.)

Exceptions Gourmande est aussi le nom du magasin que Conticini vient d’ouvrir dans le Marais. Pour les gens que ce genre de choses intéresse, c’est un événement majeur, puisque c’est la première fois* que le grand public a accès à ses créations depuis la fermeture de Peltier il y a quelques années. Et ce n’est que le début, bonnes gens, puisqu’on murmure qu’il ouvrira une autre pâtisserie, plus grande mais toujours à Paris, au mois d’octobre (ce qui, dans le dialecte parisien, signifie simplement « avant 2012 »).

Mais comme nous le disions plus haut, cette boutique-là est toute petite. Son décor est d’une élégante sobriété — un comptoir en bois, quelques étagères de verre, une table contre le mur du fond — et la gamme de produits n’est somme toute pas très large, ce qui facilite la prise de décision, pourrait-on penser.

Il y avait du nougat et du pain d’épice, des bâtonnets de caramel mou et diverses pâtes à tartiner, d’épais sablés au beurre d’Isigny, des financiers et des spéculoos — toutes confections qui supportent bien le transport depuis le labo de fabrication (la boutique n’a pas de cuisine) et, plus important sans doute, qui se mangent aisément avec les doigts sur un banc sous les arbres, là, à trois pas.

Et par extraordinaire, ce ne sont que des choses que j’adore. J’en aurais bien pris un de chaque, mais ce n’est pas une stratégie gagnante à long terme (juste pour donner un exemple, j’ai actuellement six autres adresses sur ma liste de pâtisseries à explorer) et la voix de la raison m’a dit : « Tu peux choisir trois trucs. »

J’ai donc pris une boîte de huit macarons (la voix de la raison m’a fait remarquer que là, franchement, je poussais un peu), un kouign amann et un morceau de chocolat au marteau, c’est-à-dire une de ces grandes plaques de chocolat dans lesquels on taille des éclats d’un bon coup bien placé.

Chocolat au marteau

Il y avait dans mon assortiment de macarons huit parfums (vanille, framboise, citron, chocolat, pistache/caramel, noix/café, caramel salé, noix de coco/caramel), parmi lesquels j’ai désigné le citron et le noix/café comme mes préférés, le premier rappelant singulièrement la tarte au citron meringuée de ma mère, et le second le Plaisir aux Noix du sieur Picard. Ils étaient tous un peu sucrés à mon goût (c’est presque toujours comme ça entre les macarons et moi) mais techniquement impeccables. Un peu égratignés pour certains, mais c’est ce qui arrive quand on trimballe ses macarons d’une cabine d’essayage à une autre puis dans le panier d’un vélo ; le pâtissier n’y est pour rien.

Lorsqu’est venu le moment de goûter le kouign amann, j’avoue que j’avais un mauvais pressentiment. J’avais bien remarqué qu’il avait une forme pour le moins atypique — il était tout en hauteur, là où le kouign amann classique est plutôt plat comme une galette — et c’est justement pour ça qu’il avait piqué ma curiosité, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi léger, comme s’il était creux. Je l’ai coupé en deux et effectivement, l’intérieur était très largement alvéolé, sans ressemblance aucune avec le kouign amann traditionnel. Argh, ai-je pensé.

Kouign Amann

Mais comme dit Maxence, il faut toujours donner sa chance au produit. J’ai donc déployé grand ma mâchoire et mordu une première bouchée en coupe verticale, une technique mise au point à l’origine pour la dégustation des hamburgers. Et après quelques secondes de mastico-réflexion, j’ai poussé un soupir de soulagement : nous avions affaire ici à un simple problème d’étiquetage. Cette pâtisserie n’était pas un kouign amann du tout, mais par contre, c’était une excellente brioche feuilletée, beurrée comme il faut, goûteuse, et culottée d’une fine couche de caramel croquant.

C’est cependant le chocolat au marteau qui s’est imposé sur la plus haute marche de ce podium de sucre. D’une façon générale, je suis très favorable aux formats alternatifs pour le chocolat — une simple variation d’épaisseur ou de forme peut changer la perception du goût — et tout aliment qui requiert un marteau comme ustensile de service remporte mon adhésion immédiate, mais celui-là était particulièrement convaincant : très épais, très noir et très fourni en noisettes et amandes toastées et caramélisées, c’était une merveille de fondant et de croquant, de sucré, d’aromatique et de grillé, avec juste la pointe d’amertume nécessaire pour souligner le tout.

Allez donc voir ce que Pierre et David ont goûté lors de leurs passages respectifs. Il semble que les produits proposés soient un peu différents d’un jour à l’autre, donc on peut prévoir des visites régulières, d’autant que Conticini a l’intention de proposer aussi des glaces — à l’approche de l’été, j’imagine.

* Sans compter les opérations spéciales auxquelles il a participé, comme La Table Nutella en 2005.

Exceptions Gourmandes / où ça ?
4 place du Marché Sainte-Catherine, 75004 Paris
Du lundi au samedi, 11h-13h et 14h-19h
01 42 77 16 50

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