C’était un peu Noël la semaine dernière, lorsque deux amies m’ont successivement proposé de me donner des coings, qui poussent en ce moment en abondance. Je suis évidemment incapable de refuser ce genre de proposition, surtout quand les fruits viennent du jardin de mes amis (ou du jardin des voisins de mes amis), et surtout quand il s’agit de fruits au charme aussi suranné que les coings*. Avec ce gâteau au coing en tête, j’ai accepté avec enthousiasme, en demandant où et quand ma brouette et moi pouvions passer les chercher.
Et c’est ainsi que je me suis retrouvée avec environ cinq kilos de ces fruits jaune-vert, qui ont instantanément donné à mon appartement le parfum exact de la maison de campagne de Maïa. Maïa, c’était l’une des amies d’enfance de ma soeur, et ses grands-parents avaient une très belle maison en pierre un peu en dehors de Paris — la géographie restait une chose éminemment abstraite quand j’étais petite, donc je n’ai aucune idée d’où elle se trouvait précisément — où ma soeur est allée quelques fois, et où j’ai été invitée à l’accompagner un weekend en automne.
Et c’est ainsi que je me suis retrouvée avec cinq kilos de ces fruits jaune-vert, qui ont instantanément donné à mon appartement le parfum exact de la maison de campagne de Maïa.
Les adultes couchaient dans la bâtisse principale, mais nous les enfants avions le droit de jouer et dormir à l’étage d’une dépendance qui avait peut-être été autrefois une étable, et qui était le décor parfait pour redonner vie à quelques scènes de pensionnat issues de Boy, le récit autobiographique de l’enfance de Roald Dahl qui nous fascinait.
Plus loin, derrière la maison, le vaste jardin regorgeait d’arbres fruitiers, dont de nombreux cognassiers, lourds de fruits lors de ma visite. C’était bien la première fois que je voyais des coings, ces non-poires dures comme du bois et recouvertes de duvet. Il s’est écoulé bien des années avant que je goûte à leur chair, mais leur odeur extraordinaire — une sorte de croisement musqué entre la poire et l’ananas — flottait partout à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, et les deux sont liées pour toujours dans la bibliothèque sensorielle de mon esprit.
Il faut un peu d’endurance pour venir à bout de cinq kilos de coings, et j’y ai consacré une partie de mon weekend. La première chose que j’ai faite, c’est d’en faire pocher autant que je pouvais en faire tenir dans ma cocotte minute, selon la recette des coings pochés à la vanille dont je vous parlais il y a deux ans. Encore une bonne raison de s’équiper : la cocotte minute permet de réduire le temps de pochage à une trentaine de minute, et limite drastiquement les projections de jus rose et sucré sur vos plaques de cuisson.
La plupart de ces quartiers de coings pochés sera dégustée juste comme ça, dans un bol, avec un peu de yaourt ou de crème et peut-être un peu de granola de sarrasin si vous insistez, mais certains ont été mis de côté pour ce gâteau aux coings et aux amandes tout simple.
C’est une variation sur le thème de l’indémodable gâteau au yaourt. J’ai juste modifié ma recette de base en ajoutant de la poudre d’amande et des dés de coings**, pour un délicieux gâteau d’automne, bien parfumé et particulièrement moelleux, à manger avec les doigts, assise sur le parquet du salon, là où tombe le soleil dans l’après-midi.
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* A chaque fois que je dis ou écris « coing », ça répond « coin-coin » dans ma tête. C’est difficile de se concentrer.
** Si vous entretenez un levain naturel, vous serez sans doute content d’apprendre que j’utilise ici, à la place du yaourt, l’excédent de levain que je garde à chaque repas. En effet, j’ai constaté que le levain (pas spécialement mûr, mais pas trop vieux non plus) peut remplacer le yaourt dans les recettes de gâteaux comme celle-ci : il a plus ou moins la même consistance et la même acidité, et donne une texture fondante délicieuse.