Avez-vous eu, quand vous étiez petit, un de ces bouquins scratch ‘n sniff, dont on pouvait gratter les pages pour libérer, ici un arôme de fraise, là une odeur de lavande ?
Non, parce que le sujet du jour bénéficierait grandement de l’équivalent digital de cette technologie. A défaut, il faudra juste fermer les yeux et essayer de se figurer l’odeur irrésistible, florale, sucrée, acidulée, qu’émet le coing, qui est pourtant un des sujets les plus biscornus et disgracieux du royaume fruitier.
D’ailleurs, s’il vous prenait l’idée loufoque de faire cuire vos coings dès le retour du marché, je serais obligée de m’interposer : la seule façon raisonnable de procéder, c’est de laisser lesdits coings sur un joli plat, quelque part dans la cuisine ou dans le salon, d’où ils serviront de parfum d’ambiance 100% naturel.
S’il vous prenait l’idée loufoque de faire cuire vos coings dès le retour du marché, je serais obligée de m’interposer : il faut laisser lesdits coings quelque temps sur un joli plat, dans la cuisine ou le salon, d’où ils serviront de parfum d’ambiance 100% naturel.
Et quand vous aurez fini de vous évanouir de félicité à chaque fois que vous passez à proximité, alors seulement vous pourrez les faire pocher, et vous émerveiller de la deuxième surprise qu’ils réservent : la chair du coing, blafarde et immangeable lorsqu’elle est crue, devient rose pourpre* et délectable après cuisson.
Comme le coing contient beaucoup de pectine, il est fréquemment transformé en pâte (dulce de membrillo), ou en gelée, ou en confiture, mais ces préparations sont généralement trop sucrées à mon goût ; on y perd un peu de la subtilité du fruit. Je préfère largement la compote de coing, pochée dans un sirop faiblement sucré**.
Au bout de quelques heures de mijotage — eh oui, il faut bien ça — les quartiers de coing deviennent fondants, avec un voile légèrement granuleux délicieux, et prennent une saveur à mi-chemin entre une très bonne pomme et une très bonne poire, ponctuée de notes de miel et d’épices.
Le seul bémol du coing, qui en a sans aucun doute découragé plus d’un, c’est qu’il est un peu laborieux à découper : contrairement à la pomme ou la poire, ses cousins nettement plus faciles à vivre, le coing a l’âme rebelle et oppose à la lame du couteau une résistance obstinée. Pour remédier à ça, on peut, au choix, bien aiguiser son couteau, porter des gants, recruter un commis, ou émettre quelque juron coloré lorsque l’envie s’en fait sentir.
Le coing est un fruit d’automne, c’est donc maintenant qu’il faut le chasser sur les marchés ou dans les vergers. D’après ce qu’on m’a expliqué, la plupart des cognassiers (j’adore ce mot) donnent plus de fruits que même le plus courageux des gourmets ne peut cuisiner ; il est donc vraisemblable qu’il accepte de s’en départir de quelques uns.
C’est au petit déjeuner que je mange le plus souvent cette compote de coings, avec du yaourt maison et du muesli, mais on peut aussi la servir en dessert, tiède, avec de la glace au lait d’amande et des sablés. On peut aussi égoutter les fruits et s’en servir dans un gâteau fondant ou une tarte, ou bien pour accompagner un fromage (du bleu ou un brebis ferme, comme un manchego), du canard ou du gibier.
~~~
* Lucy, du blog Nourish Me, a des photos de la transformation.
** En règle générale, je sucre à 10% : 10g de sucre pour 100g de coings (en poids net, après découpage). Cette compote peut alors être utilisée dans des plats salés comme sucrés ; il sera toujours temps d’ajouter un peu de miel au moment de servir si on veut.
Vous aimez cette recette ? Partagez vos photos sur Instagram !
Ajoutez le tag #cnzrecipes aux photos de vos réalisations. Je partagerai mes préférées !
Ingrédients
- 2 kg de coings mûrs, soit environ 8 (un coing mûr est jaune, avec quelques reflets verts)
- 160 g de sucre brut de canne
- 1 gousse de vanille
Instructions
- Mettez les coings dans l'évier, couvrez d'eau tiède, et frottez-les sous l'eau pour retirer le duvet qui les recouvre. Rincez, égouttez et séchez.
- Pelez les coings à l'économe. A l'aide d'un couteau bien aiguisé, coupez chaque coing en quartiers, retirez le coeur, et coupez la chair en lamelles. Ça demande un peu d'énergie ; faites bien attention de ne pas vous ouvrir la main.
- Mettez 2 litres d'eau et le sucre dans une cocotte à fond épais. Amenez à frémissement et ajoutez les coings.
- Ouvrez la gousse de vanille dans le sens de la longueur, grattez les graines avec le côté non coupant de la lame d'un couteau, et mettez les graines et la gousse dans la cocotte. Mélangez.
- Couvrez et laissez frémir 2h30 à 3h, en remuant régulièrement mais délicatement, jusqu'à ce que les fruits soient tendres et d'un rose magnifique. Retirez le couvercle pendant la dernière demi-heure pour que le sirop réduise un peu.
- Mettez les fruits, le sucre et la vanille dans la cocotte minute et ajoutez de l'eau juste pour couvrir les fruits. Comptez 30 minutes de cuisson à partir du sifflement de la soupape.
- Laissez refroidir, couvrez, et mettez au frais jusqu'au lendemain, pour laisser les saveurs se développer. Les coings pochés se congèlent aussi très bien.