J’ai beaucoup mangé de Savane quand j’étais petite. Créé dans les années soixante par un fabricant français (racheté par une marque américaine quelques années plus tard d’ailleurs), c’était un cake marbré entier, vendu dans une boîte parallélépipédique ocre et marron. Le dessous du gâteau était enrobé de papier sulfurisé qu’il fallait décoller au fur et à mesure qu’on se coupait des tranches, c’était mousseux et moelleux comme seuls les gâteaux industriels peuvent l’être, et j’adorais ça.
Mes parents n’en achetaient pas — je ne me souviens pas pourquoi, dans la mesure où ils acceptaient de nous rapporter du supermarché d’autres sortes de biscuits — donc je n’en mangeais que chez ma copine Emilie, ou quand on dévalisait les rayons du Champion après une après-midi passée à la piscine.
Lorsque j’y ai goûté à nouveau, après des années d’abstinence, j’ai évidemment été déçue : le goût n’était que l’ombre de mon souvenir (chocolat fade et vanille synthétique) et la liste des ingrédients m’a fait lever les yeux au ciel. (Et ils vous vendent ça comme un goûter simple et sain pour vos enfants, n’est-ce-pas, pour que vous soyez sûr qu’ils aient bien leur apport recommandé en huile de palme hydrogénée.)
Cette recette donne un marbré parfumé et bien moelleux ; le secret est le sirop dont on badigeonne le gâteau à la sortie du four.
Mais contrairement à d’autres cochonneries qui ont nourri mon adolescence, comme par exemple les chips soufflées en forme de fantôme ou les rubans acidulés à la fraise, celle-ci n’est guère qu’une imitation industrielle d’un marbré au chocolat que vous feriez vous-même de vos blanches mains, donc il est assez facile de recréer ce goût d’enfance.
Et c’est d’autant plus facile quand on a une amie qui en donne la recette dans l’un de ses livres.
Le principe du gâteau marbré, c’est qu’on verse des pâtes à gâteau de couleurs contrastées en alternance dans le moule, pour obtenir un joli effet visuel sur chaque tranche (attention toutefois, il est possible d’aller trop loin). Certaines recettes vous recommandent d’incorporer délicatement chaque couche dans celle qui la précède pour accentuer les marbrures, mais le gâteau Savane est (plus ou moins) rayé comme un zèbre, donc on peut se contenter de laisser les couches telles quelles.
La recette de Pascale donne un marbré parfumé et bien moelleux, et je crois que le secret, c’est le sirop dont elle badigeonne le gâteau à la sortie du four. Je l’ai fait un certain nombre de fois maintenant, et c’est toujours un succès : les français ne ratent pas la référence au Savane de leur enfance, et j’aime bien que ça fasse à la fois gâteau de mamie réconfortant, mais un tout petit peu élaboré quand même — d’ailleurs il se trouve généralement quelqu’un pour demander, « Mais alors, comment tu fais exactement pour avoir cet effet marbré ? »
Les deux pâtes à la vanille et au chocolat sont construites sur une base identique, donc on pourrait n’en préparer qu’une seule que l’on diviserait juste avant d’ajouter l’extrait de vanille ou le chocolat fondu, mais je préfère la méthode que préconise Pascale, qui consiste à préparer les deux pâtes en parallèle, dans deux bols différents.
Il m’arrive d’utiliser de la crème liquide comme dans la recette d’origine, mais le plus souvent je la remplace par du yaourt : le gâteau reste moelleux un peu moins longtemps dans ce cas, mais si vous pensez qu’il sera vraisemblablement englouti dans les deux jours, c’est ce que je vous conseille de faire.
Deux autres petites modifications que j’apporte à la recette de Pascale : je saupoudre des éclats de fève de cacao entre les couches de pâte, et je relève le sirop d’un peu de liqueur de cacao*. On ne sent pas le goût de l’alcool à proprement parler, mais ça ajoute de la profondeur au parfum de chocolat.
* Cette liqueur de cacao est fabriquée par la distillerie artisanale Bertrand en Alsace, et je l’ai trouvée à la boutique parisienne Déclinaison Chocolat du chocolatier Stéphane Gross.