Ce petit weekend a débuté sous les pires auspices.
Nous aurions pu prendre le temps de passer à la boulangerie sur le chemin de la Gare du Nord, avant de monter dans le train qui allait nous emmener à Amsterdam en quatre petites heures. Au lieu de ça, nous avons choisi de dormir dix minutes de plus, et nous nous sommes donc retrouvés, à l’heure du déjeuner, poussés par la faim vers la voiture 14 du Thalys, qui faisait office de voiture-bar.
Cela fait belle lurette que plus personne ne s’attend à un dîner fin à bord d’un train, je le sais bien, mais j’avais la faiblesse de penser que ce qu’on y trouvait était tout au moins mangeable. Et pourtant, les sandwiches en mousse de polystyrène que nous avons achetés, vendus sous le nom presque insultant pour nos amis transalpins de ciabatta poulet (j’en ris encore), ne ressemblaient ni de près ni de loin à quoi que ce soit de comestible. Alors oui, j’aime le réseau de trains à grande vitesse nord-européen, mais je n’oublierai plus jamais d’apporter mon manger.
Il y avait pourtant un joli revers à cette vilaine médaille, puisqu’elle nous a permis d’arriver à Amsterdam l’estomac dans les talons, ce qui est un état plus que souhaitable lorsqu’on visite une ville, la faim étant une boussole diablement efficace. Aussi, à peine nos bagages déposés, nous sommes ressortis en quête d’un endroit où déjeuner et nous avons atterri chez Lunchroom Klavertje 4, une sorte de café-cantine moderne et lumineux.
Les différentes variétés de charcuteries, fromages et crudités alignées derrière le comptoir avaient très bonne mine, et nous nous sommes attablés pour déguster ces opulents sandwiches ouverts : un pistolet (ce petit pain blanc cher aux Belges) recouvert de jambon chaud, de brie, et de sauce à la moutarde pour Maxence, et pour moi, deux tranches de pain complet qui gémissaient sous le poids d’une montagne de huttenkaas (l’équivalent hollandais du cottage cheese, vous l’aurez deviné).
Ce que ce premier déjeuner laissait présager, et ce que les repas suivants ont confirmé, c’est qu’on mange bien, et même très bien, à Amsterdam, des produits pétillants de fraîcheur, préparés avec soin, et facturés de façon raisonnable.
J’étais déjà venue à Amsterdam, mais mon dernier séjour datait du siècle dernier, lorsque Maxence et moi étions encore étudiants. Cela se passait donc quelque temps avant ma révélation culinaire, et je ne me souviens plus guère de ce que nous avions mangé, à part des broodjes (petits pains) au fromage frais et à la ciboulette et une rijsttafel d’anthologie dans un restaurant indonésien. La rijsttafel (littéralement table de riz) consiste en une succession de préparations plus ou moins épicées que l’on accompagne de riz. Plutôt qu’une vraie spécialité indonésienne, cette forme de service a été en réalité mise au point les colons hollandais, inspirés par le repas traditionnel pratiqué dans ce qui s’appelait alors encore les Indes néerlandaises.
C’est de ça que nous avions envie le premier soir, et j’avais lu des bonnes critiques du restaurant Tempo Doeloe. C’était bondé lorsque nous sommes arrivés, nous sommes donc allés boire une bière et jouer avec le vieux jukebox du bruin café (pub hollandais, littéralement « café brun ») d’en face, en attendant que notre table soit prête. La « petite » rijsstafel de Tempo Doeloe comprenait quatre plats froids et onze plats chauds, très axés sur les légumes pour la plupart, et tout à fait bons. Pas aussi spectaculaires que dans mon souvenir, mais néanmoins frais et parfumés.
Au menu du déjeuner le lendemain, re-sandwiches (pour les amateurs, Amsterdam est la terre promise) au Café de Tuin, un bruin café doté d’une ravissante verrière et de deux serveuses faisant des concours de désinvolture, mais où l’on servait un remarquable BLCT (bacon, lettuce, chicken, tomato, une variation sur le thème classique du BLT, qui n’inclut pas de poulet) sur du pain noir.
Ceci fut suivi un peu plus tard par une stroopwafel de chez Lanksroon. Les stroopwafels, ces fines gaufres collées deux par deux par un sirop de caramel, sont vendues partout à Amsterdam, mais semblent rarement fabriquées sur place. Celle-là était indubitablement fraîche* et le fourrage encore bien coulant — une merveille avec un café. (La stroopwafel plus classique peut être posée une minute au-dessus d’un mug de thé ou de café ; la vapeur redonnera au caramel sa consistance d’origine.)
Nous n’avions pas de projet particulier pour le dîner ce soir-là, le mot d’ordre du weekend étant de se la couler douce sans rien prévoir, mais nous sommes tombés par hasard sur Na Siam, un restaurant thaïlandais des plus attrayants, authentique mais pas kitsch, gentiment sophistiqué mais sans affectation. Nous avons écouté notre instinct et avons été récompensés par le repas thaïlandais le plus frais et le plus fin qu’il nous ait été donné de déguster ces derniers temps.
Un marché bio se tient le samedi dans le quartier du Jordaan, mais quelqu’un de haut placé a décidé de déverser des trombes d’eau sur la ville ce matin-là, donc nous nous sommes réfugiés à la Villa Zeezicht, un café en bordure de canal, où nous avons mangé notre troisième et dernier sandwich, un épatant vegaburger qui peuplerait sans doute mes rêves si je vivais à Amsterdam.
Plus tard dans l’après-midi, les bras chargés d’oignons de tulipe multicolores, de fromage artisanal acheté à De Kaaskamer, et du muesli De Halm qui m’avait tapé dans l’oeil au magasin bio Natuurwinkel, nous sommes remontés à bord du train qui allait nous ramener à la maison en quatre petites heures, mais non sans faire un crochet par Kuyt, votée meilleure pâtisserie des Pays-Bas en 2006, pour acheter deux parts de leur fameux appelschnitte** à manger dans le train — on ne nous y reprendra plus.
* Quoique pas vraiment gaufrée, c’est pourquoi les puristes m’indiquent qu’il s’agit plutôt d’un stroopkoek.
** L’appelschnitte de chez Kuyt consiste en une base fine, à mi-chemin entre le gâteau et le sablé, surmontée de pommes fondantes aux épices, de raisins secs et d’amandes effilées, le tout saupoudré de sucre glace. Si d’aventure il y a parmi vous un spécialiste de la pâtisserie hollandaise avec une recette à nous livrer, je suis preneuse.
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Carnet d’adresse amstellodamois :
Lunchroom Klavertje 4 / où ça ?
Utrechtsestraat 69, Amsterdam
+31 (0)20 624 2849
Tempo Doeloe (restaurant indonésien) / où ça ?
Utrechtsestraat 75, Amsterdam
+31 (0)20 625 6718
Cafe de Tuin (bruin café) / où ça ?
Tweede Tuindwarsstraat 13, Amsterdam
+31 (0)20 624 4559
Lanskroon (pâtisserie + salon de thé) / où ça ?
Singel 385, Amsterdam
+31 (0)20 623 7743
Na Siam (restaurant thaïlandais) / où ça ?
Kerkstraat 332, Amsterdam
+31 (0)20 421 0505
Villa Zeezicht (bruin café) / où ça ?
Torensteeg 7, Amsterdam
+31 (0)20 626 7433
De Kaaskamer (fromagerie) / où ça ?
Runstraat 7, Amsterdam
+31 (0)20 623 3483
Natuurwinkel (magasin bio) / où ça ?
Haarlemmerdijk 160, Amsterdam
+31 (0)20 626 6310
Patisserie Kuyt (pâtisserie) / où ça ?
Utrechtsestraat 109a, Amsterdam
+31 (0)20 623 4833