Radis pleine terre à la Noma

La première fois que j’ai entendu parler de Noma, le restaurant de Rene Redzepi à Copenhague, c’était à l’édition 2008 de l’Omnivore Food Festival à Deauville, un événement lors duquel les chefs les plus en vue de France et d’ailleurs cuisinent en direct sur scène.

On ne compte plus les honneurs qu’il a reçus depuis en tant que chef de file de la talentueuse et rafraîchissante nouvelle scène scandinave. Sa cuisine, très marquée par les saisons et le terroir, et son goût pour la quête de diverses plantes, herbes et baies sauvages, me semblent célébrer la nature en ce qu’elle a de plus généreux, mais aussi de plus rugueux, la trouvant belle même quand elle n’a que des pierres, des racines et du vent à offrir*.

Ces radis pleine terre sont devenus un amuse-bouche signature chez Noma : il s’agit de radis plantés dans une crème aux herbes, recouverts de miettes de malt et de noisette et servis dans des petits pots de fleur en terre cuite.

Parmi les plats présentés par Redzepi ce jour-là, un champ de légumes en trompe l’oeil, servi sur une pierre plate : des légumes-racine miniatures étaient plantés dans une purée de pomme de terre et recouverts d’une couche de miettes de farines de malt et de noisette, imitant la texture et la couleur du terreau.

Plus tard, j’ai entendu parler d’une variation de cette idée devenue un amuse-bouche signature chez Noma, intitulé radiser, jord og urteemulsion (radis, terre et émulsion aux herbes). Il s’agit de « radis pleine terre » plantés dans une crème aux herbes, recouverts des mêmes miettes et servis dans des petits pots de fleur en terre cuite.

J’ai mis la main sur un article de l’Observer dans lequel Rene Redzepi donnait la recette de son champ de légumes, avec des instructions pour recréer son « terreau malté ». Mais j’ai aussi trouvé quelques billets qui faisaient référence à une recette parue il y a quelques mois dans le Figaro Madame et tirée du livre Comme au resto de Trish Deseine, dans laquelle la « terre » est obtenue plus simplement à partir de pain noir.

C’est la voie que j’ai suivie, en utilisant mon pain au levain au chocolat, qui n’est pas sucré, et un mélange de fromage frais et de yaourt pour la crème aux herbes.

Je suis toujours à la recherche de nouvelles façons de présenter les radis frais*, au delà du classique radis/sel/beurre, et celle-ci est futée et délicieuse. Je me suis bien amusée à planter mes radis dans les contenants que j’avais choisis — deux bols et un petit plat carré en céramique en guise de mini-jardinière — et je les ai servis à l’apéro pour un grignotage léger. Une fois tous les radis engloutis, il restait un peu de fromage frais aux herbes, alors j’ai découpé de fines tranches de baguette pour que l’on puisse terminer.

Je rêve d’organiser une escapade danoise autour d’une réservation chez Noma — Copenhague n’est qu’à deux heures de Paris après tout — et l’occasion idéale se présentera bien un jour. En attendant, je croque mes radis, et bientôt je me plongerai dans le livre Noma: Time and Place in Nordic Cuisine qui sortira chez Phaidon à l’automne.

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* A propos de nouvelle vague scandinave, vous pouvez lire le Manifeste de la nouvelle cuisine nordique (en anglais). Et si vous avez envie d’en savoir plus sur la cuisine de Rene Redzepi, quelques blogueurs ont mangé chez lui et racontent, photos à l’appui : allez donc voir mon amie Caroline, mais aussi les auteurs anglophones de Chuckeats, A Life Worth Eating, Gourmet Traveller et Food Snob.

** Si c’est aussi votre cas, je peux vous recommander ces canapés radis avocat au sel fumé, cette salade de poulet et radis, sauce onctueuse à l’avocat, ce pesto de fanes de radis, ou encore la tarte aux radis de Sonia Ezgulian.

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Tarte à la rhubarbe et verveine citronnelle

Je suis une adoratrice de la déesse rhubarbe.

Pendant toute la saison, au printemps puis à la fin de l’été, pas un weekend ne se passe sans que je rapporte du marché un bouquet de tiges rosissantes qui finiront leur vie en compote, à manger au petit déjeuner (avec un trait de kéfir maison) tout au long de la semaine.

La compote a beau être l’utilisation la plus fréquente que je fais de la rhubarbe, je l’aime tout autant en tarte, et c’est le dessert que j’ai choisi de servir la semaine dernière à nos amis venus dîner.

Ma mère fait une divine tarte à la rhubarbe avec sa super pâte sablée (celle-là même que j’ai incluse dans mon bouquin) et une fine couche moelleuse formée par ce mélange oeuf + crème + sucre qu’on appelle migaine, goumeau ou que l’on n’appelle pas, selon les régions. J’ai fait à peu près comme elle, à quelques détails près.

J’avais un bouquet de verveine citronnelle fraîche sous la main, et il m’est apparu comme une évidence que le mariage serait heureux.

D’abord, j’ai récemment reçu le joli livre sur les tartes de Catherine Kluger, et j’avais envie d’essayer sa recette de pâte sucrée.

Elle est très facile à préparer, et une fois cuite, elle a donné une pâte ni trop riche ni trop sucrée, délicatement friable. Par contre, j’ai eu un mal fou à l’étaler, mais ce n’est absolument pas la faute de la recette : c’est juste qu’il faisait très chaud ce jour-là — on traversait une mini-canicule de printemps qui a fini par éclater en orage plus tard dans la soirée — et comme conditions météorologiques, il n’y a pas pire pour étaler une pâte.**

Par ailleurs, j’avais envie de parfumer la tarte d’une façon ou d’une autre : au départ, j’avais pensé allier la rhubarbe au gingembre (sous forme de gingembre frais ou confit, je n’avais pas encore décidé), mais j’avais un bouquet de verveine citronnelle fraîche sous la main, et il m’est apparu comme une évidence que le mariage serait heureux.

J’ai aussi appliqué deux conseils trouvés dans les commentaires de ce billet. J’ai fait macérer la rhubarbe dans du sucre pour qu’elle rende un peu de son jus, que j’ai pu ensuite faire réduire et dans lequel j’ai fait infuser la verveine.

Et j’ai saupoudré le fond de la tarte de tapioca pour absorber l’excédent de jus de la rhubarbe : ça rajoute du soyeux à la consistance de la tarte tout en empêchant la pâte de se détremper. (C’est une astuce que j’utilise par ailleurs dans mes tartes salées, avec du bulgur ou des pâtes langue d’oiseau.)

Je ne suis pas la seule à penser que la tarte à la rhubarbe est un moyen délicieux — le meilleur, peut-être — de mettre en valeur ce fruit*** : c’est simple et réconfortant, doux et acidulé, et dans cette version-ci, la verveine citronnelle souligne subtilement le côté floral de la rhubarbe.

Et s’il vous reste de la verveine citronnelle sur les bras après ça, je vous la recommande en infusion (chaude ou glacée) ou en sorbet verveine citron.

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* Comme j’aime l’acidité de la rhubarbe, je sucre assez peu ma compote : j’ajoute environ 10% du poids net de rhubarbe en sucre non raffiné, blond ou rapadura. Je mélange la rhubarbe et le sucre dans ma cocotte en fonte et je laisse cuire un petit quart d’heure à feu moyen en mélangeant une ou deux fois. Puis, je laisse reposer à couvert hors du feu pendant un moment, pour que ça finisse de s’attendrir.

** Quand j’ai parlé de ce problème, Rachel m’a suggéré l’astuce suivante : dix minutes avant, on place sur la surface de travail un plateau avec des glaçons. Ça va refroidir la surface (à condition qu’elle ne soit pas en bois) et ralentir le réchauffement de la pâte quand on la travaille. (Si seulement ça pouvait marcher aussi pour la planète…)

*** Sur le plan botanique, la rhubarbe est en fait un légume. Peut-être qu’elle pourrait changer de place avec l’aubergine, le concombre ou l’avocat, ces fruits que tout le monde prend pour des légumes : on s’embrouillerait moins.

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Condiment aux oignons nouveaux et gingembre

Les oignons nouveaux me mettent souvent dans une position délicate. Comme la saison de la récolte locale ne dure pas très longtemps — assez vite, le bulbe prend le dessus sur la tige — je trouve qu’ils méritent un traitement spécial, mais je ne sais jamais très bien lequel.

C’est trop « oignon » à mon goût pour pouvoir les servir juste comme ça, en solo, mais c’est dommage de les cuire avec d’autres légumes parce qu’alors on perd la nouveauté de l’oignon nouveau, et ça devient juste un oignon un peu cher.

Les forces combinées de l’oignon, du gingembre et de la sauce de soja en font une préparation qui relève avec enthousiasme nombre de plats, qu’ils soient d’inspiration asiatique ou non.

Je suis donc ravie d’avoir pu ajouter à ma panoplie la recette de ce condiment aux oignons nouveaux et gingembre du chef New-Yorkais David Chang. Elle est extraite du livre Momofuku qu’il a co-écrit avec Peter Meehan, et que j’ai emprunté à mes amis de Hidden Kitchen. C’est aussi la recette présentée en extrait sur la page Amazon américaine, donc ça va sans doute être la recette la plus cuisinée du livre, et ce serait mérité : c’est super simple (six ingrédients et autant de minutes de préparation) et super bon.

On prend une botte d’oignons nouveaux que l’on tranche finement avant de les mélanger avec du gingembre râpé et un assaisonnement qui ajoute des notes salées et acides. David Chang appelle ça une sauce, mais il ne faut pas imaginer une sauce au sens classique du terme : ce n’est pas liquide du tout, mais c’est vrai que c’est destiné à être servi par-dessus autre chose, donc on pourrait dire que c’est à mi-chemin entre une sauce et un condiment.

Les forces combinées de l’oignon, du gingembre et de la sauce de soja en font une préparation qui relève avec enthousiasme nombre de plats, qu’ils soient d’inspiration asiatique ou non.

Dans le livre, David Chang la sert sur un bol de nouilles japonaises avec des concombres au vinaigre, des pousses de bambou, du chou-fleur rôti et de l’algue nori. J’ai commencé par l’imiter (mais avec des nouilles chinoises et sans bambou ni chou-fleur), et ensuite on s’est mis à en mettre un peu sur tout : du tofu, du riz, des oeufs brouillés, ou des pommes de terre vapeur servies avec de la truite fumée, ce qui marchait particulièrement bien. David Chang suggère aussi de servir ça avec une viande grillée, et j’imagine en effet que ça doit être délicieux.

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Recettes à la sauge : 45 Idées pour utiliser la sauge fraîche

Recettes à la sauge

Je faisais récemment remarquer à une oreille compatissante combien il était difficile de trouver de la sauge fraîche par ici. On l’utilise finalement assez rarement dans la cuisine française, donc elle ne fait pas partie de l’assortiment d’herbes classiques que l’on trouve au marché ou chez les marchands de primeurs. Pourtant j’adore son parfum et son goût, donc je me suis dit que j’essaierais de trouver des graines pour en planter.

Mais à peine quelques jours plus tard, je suis passée devant les Etablissements Lion et le bel étal de verdure qu’ils déploient sur le trottoir quand le temps est clément, et j’ai remarqué qu’ils vendaient des plants de sauge qui avaient fière allure. Je n’ai pas résisté : j’ai choisi le plus beau et je l’ai adopté.

Il cohabite maintenant sur le rebord de la fenêtre de la salle de bain avec notre jardinière de fraisiers, qui sont en fleur à l’heure où je vous parle. Je ne me lasse pas de l’admirer, mais il est si touffu que je me suis dit qu’il fallait que je réfléchisse aux meilleures façons d’en tirer profit. J’ai donc fait ce que n’importe qui aurait fait à ma place. Je me suis tournée vers twitter et j’ai posé la question : « Et vous, la sauge, vous en faites quoi ? »

J’ai reçu une ribambelle de réponses multicolores et inspirées, et j’ai pensé qu’il serait dommage de ne pas vous en faire bénéficier : il y en a sûrement parmi vous qui sont dans ma situation. Voici donc une compilation des suggestions qui m’ont été faites ; merci encore aux twitteurs qui ont bien voulu me faire part de leurs idées.

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Warabi Mochi

La première fois que nous avons goûté aux warabi mochi, c’était au sous-sol du grand magasin Tokyu dans le quartier de Shibuya, à Tokyo. Au beau milieu de cette débauche merveilleuse d’aliments de toutes sortes — sucrés, salés ou un peu des deux, frais, séchés, chauds, froids — une dame se tenait derrière un petit stand, et proposait de faire goûter des petits morceaux d’une pâte souple, recouverte d’une poudre brun clair.

Un coup de pique en bois, un morceau chacun, et une surprise divine. C’était absolument délicieux. En enrobage, j’ai reconnu le kinako, une poudre faite avec du soja grillé et moulu ; l’intérieur, d’une texture fraîche et lisse, offrait un soupir de résistance avant de se dissoudre sur une note délicatement sucrée.

Nous étions tout prêts à en acheter sur le champ, mais la dame a pris la peine de nous expliquer qu’il fallait impérativement les manger le jour-même (avant minuit, sinon ça se transforme en gremlins), et la journée était trop avancée et la boîte trop grosse pour que nous puissions prendre ce genre d’engagement.

Plus tard, lorsque notre voyage nous a menés dans la région du Kansai, nous avons commencé à en voir un peu partout, découpés en petits cubes, en pavés allongés, ou en boules molles, alanguies les unes contre les autres dans la barquette. On s’en est offert (presque) à chaque fois que l’occasion se présentait, sans savoir ce que c’était ni comment ça s’appelait, mais toujours sous les vivats de nos papilles.

Et puis un jour, au marché de Nishiki-dori à Kyoto, la boîte que nous avons achetée avait une belle étiquette, et sur la belle étiquette j’ai pu déchiffrer en hiragana : wa-ra-bi-mo-chi.

Le soir-même, j’ai fait une petite recherche, et j’ai appris qu’il s’agissait effectivement d’une spécialité du Kansai, particulièrement appréciée pendant les mois d’été. Et quoiqu’ils en portent le nom, les warabi mochi ne sont pas des mochi comme les autres, à base de farine de riz gluant (mochiko ou shiratamako). Non, les warabi mochi ne font rien comme tout le monde et sont préparés avec du warabiko, une fécule extraite de la racine d’une variété de fougère particulière.

Dans mon petit carnet de voyage, à la page qui listait tout ce que je voulais rapporter du Japon, j’ai donc écrit: warabiko.

En retournant au marché de Nishiki-dori, j’ai repéré une échoppe qui vendait toutes sortes de poudres et de farines, et demandé s’ils vendaient du warabiko. Ils en vendaient, mais la propriétaire, aidée de sa fille qui ne parlait en fait pas tellement plus anglais que nous japonais, a réussi à nous faire comprendre que le vrai warabiko était très, très cher (de l’ordre de ¥30.000 — 260€ — pour un petit paquet de 300g), mais qu’elles pouvaient nous proposer un substitut plus abordable appelé warabimochiko, du warabiko coupé avec de la fécule de patate douce et de tapioca (¥300 pour la même quantité). Est-ce que ce serait quand même oishii (délicieux) ? Oui, m’ont-elles affirmé avec conviction.

Et effectivement, vu le prix auquel étaient vendus les différents warabi mochi que nous avions mangés, il n’y avait aucune chance pour qu’ils aient été faits avec de la fécule de warabi pure. J’ai donc acheté un sachet de la version low-cost, et la dame m’a gentiment glissé un petit paquet de kinako en cadeau. Après avoir échangé une profusion de arigatos et de légères inclinaisons du haut du buste, nous sommes repartis en flottant à quelques centimètres du sol, ravis de ce petit épisode.

Une semaine à peine après notre retour, j’ai sorti les paquets et je me suis mise au travail. En plus du feuillet d’instructions (en japonais, ça va sans dire) joint à la fécule, j’avais cherché des recettes sur internet, et quoiqu’il n’y en ait que très peu en anglais ou en français, j’avais quand même trouvé assez d’infos pour me sentir prête.

Le déroulé de la recette est très simple : on mélange la fécule avec de l’eau et du sucre, et on fait chauffer ce mélange jusqu’à ce qu’il épaississe. On verse ensuite cette pâte collante sur le plan de travail saupoudré de kinako, avant de la couper en petits morceaux que l’on enrobera à leur tour de kinako. (On peut aussi verser la pâte dans de l’eau glacée au sortir de la casserole, pour une sensation plus fraîche en bouche).

Quelques minutes plus tard, mes warabi mochi étaient prêts ; il n’y avait plus qu’à les laisser refroidir. Armés de cure-dents, nous en avons goûté un morceau, puis deux, puis deux de plus, avec un large sourire : c’était exactement ça ! J’avoue qu’au fond de moi, j’avais un peu de mal à croire que j’allais pouvoir reproduire ces fameux warabi mochi dans ma cuisine parisienne, et pourtant si : c’était précisément le même goût et la même texture que ce que nous avions goûté là-bas.

Evidemment, il manquait le décor japonais, mais nous avons choisi de ne pas trop nous attarder sur ce détail, pour mieux nous concentrer sur les mochi. Et maintenant que j’ai trouvé où acheter du warabimochiko à Paris (voir note en bas de recette), je ne serai pas victime du syndrôme du too good to use* et je pourrai nous faire des warabi mochi dès que la nostalgie s’en fera sentir.

Voir aussi : la recette des daifuku mochi à la fraise.

* En référence à un billet de David Lebovitz, c’est lorsqu’un ingrédient paraît si rare et précieux qu’on n’arrive pas à l’utiliser, et qu’on finit par le laisser se périmer à force d’attendre.

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