Pain au levain

Au printemps dernier, nous avons reçu à dîner des amis américains de passage à Paris. L’une d’entre eux travaille pour la revue gastronomique the Art of Eating, et a gentiment pensé à nous en apporter le dernier numéro*.

C’était déjà un chouette cadeau, mais sa valeur a été démultipliée lorsque je me suis installée pour le lire le lendemain et que je me suis aperçue qu’il contenait un article de quatorze pages (quatorze pages !) sur le pain au levain, un sujet pour lequel mon enthousiasme ne faiblit pas. (Voyez donc mon premier billet sur le pain au levain naturel et les recettes au levain naturel qui ont suivi.)

Cet article de quatorze pages (quatorze pages !) est écrit par James MacGuire, un chef et boulanger américain de renom, qui a notamment été éditeur technique pour la traduction anglaise de l’ouvrage de Raymond Calvel, Le Goût du pain.

Après une discussion passionnante sur l’histoire et la technique du pain au levain, MacGuire donne une recette, que je me suis empressée de tester quelques jours plus tard. Ce fut un tel succès que c’est devenu notre pain quotidien, dont je fais un nouvel exemplaire par semaine depuis.

L’originalité de la méthode, c’est qu’il n’y a pas besoin de pétrir la pâte (mais c’est encore différent de ce pain qu’on ne pétrit pas). A la place, la pâte est simplement repliée sur elle-même dans le bol où elle repose, plusieurs fois toutes les heures pendant quatre heures. Ceci permet de développer le gluten et les saveurs, pour obtenir un pain délicieux moyennant un effort minimal.

Pour être claire, je n’ai rien contre le pétrissage, surtout que je me sers généralement de mon robot-pétrin, mais l’animal n’est pas spécialement discret, et cette façon de procéder me permet de démarrer un pain dans le silence des matins de weekend, sans réveiller toute la maisonnée. (Et je sais que je pourrais aussi pétrir à la main, mais j’avoue que je ne prends pas un plaisir fou à pétrir les pâtes à fort taux d’hydratation. Ça m’énerve d’avoir toute cette glu sur les mains.)

Un autre changement par rapport à mes habitudes, c’est que MacGuire recommande un levain à 66% d’hydratation, c’est-à-dire nourri de 2 mesures d’eau pour 3 mesures de farine (en poids) à chaque repas, par opposition à la règle du 50-50 que j’appliquais jusqu’alors. J’ai fait la transition sans problème et pour être honnête, je ne vois pas vraiment de différence dans la vitalité de mon levain, mais j’ai quand même adopté cette façon de faire.

Je fais ce pain avec de la farine T80 dite « bise », qui est le type de farine que MacGuire préconise, et je la coupe généralement avec de la T110 pour une mie plus grise (le pain de la photo est fait avec seulement de la T80). Comme la recette est écrite pour un public américain, MacGuire donne une astuce pour émuler la T80 française — pour une fois que c’est dans ce sens-là, ça fait plaisir — qui consiste à utiliser un mélange de farine ordinaire (dite all-purpose) et de farine complète qu’on aura préalablement tamisée pour retirer une partie du son de blé qu’elle contient.

Le déroulé de la recette demande de bâtir le levain en deux fois la veille du jour de boulange (une fois dans l’après-midi, une fois le soir) puis de préparer la pâte le lendemain matin et de cuire le pain l’après-midi. Evidemment, si on travaille de chez soi (ou qu’on a plein de RTT à rattraper), c’est facile, mais sinon, on peut s’arranger pour caler ça le weekend, en bâtissant le levain le samedi et en faisant cuire le pain le dimanche. J’ai indiqué des heures à titre indicatif, mais il est évident que vous pouvez décaler le tout comme bon vous semble.

Je pense que j’ai encore des progrès à faire dans l’exécution de cette recette : la poussée au four n’est pas toujours la même (mon pain avait d’ailleurs plutôt moins levé que d’habitude le jour où j’ai pris la photo) et j’aimerais bien obtenir une croûte plus épaisse, mais le goût est là et la mie est bien alvéolée, donc je suis déjà ravie.

Je reconnais que je ne fais pas très attention à la température à laquelle j’expose mon levain et la pâte qui fermente (j’ai quand même donné les préconisations de MacGuire ci-dessous), ni d’ailleurs celle de l’eau que je mets dans la pâte, et ce sont des facteurs sur lesquels j’ai l’intention de jouer.

Je terminerai en soulignant que l’article ne se réduit pas à cette recette (vous ai-je précisé le nombre de pages qu’il fait ?) et vous en apprendrez encore plus en lisant les instructions telles que MacGuire les a rédigées. Donc si vous lisez l’anglais et si vous avez moyen de mettre la main sur un exemplaire du magazine, je vous le recommande sans ambages. (D’ailleurs, vous vous doutez sûrement que ce genre de magazine indépendant et sans publicité (!) a toujours besoin d’un abonné de plus.)

Pain au levain : la mie

Pain au levain : la mie

* Le numéro 83 de Art of Eating peut être commandé sur le site de la revue.

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Crackers à l’huile d’olive et aux graines

Si vous hésitez à acquérir un rouleau à pâtes fraîches — soit en accessoire pour votre mixeur, soit en rouleau à manivelle — je peux peut-être vous fournir l’excuse qu’il vous fallait : ça s’avère très utile aussi pour faire des crackers maison.

Parce que voilà : pour faire de bons crackers, il faut étaler la pâte finement pour qu’ils soient bien croquants, et uniformément pour que la cuisson soit identique en tout point, sans qu’il y ait des endroits plus épais (donc plus mous) ou plus fins (donc brûlés).

Que ce soit de la pâte à pâtes ou de la pâte à crackers, je trouve ça extrêmement agréable à manipuler et ça me rappelle toujours ma période Play Doh. Je passerais bien mes mercredis après-midi à faire ça.

Et comme me l’ont appris mes amis de Hidden Kitchen (qui ont à présent un blog), le rouleau à pâtes est l’outil idéal. On se sert uniquement du premier rouleau, constitué de deux cylindres lisses qui se font face et tournent l’un vers l’autre, et on passe d’un réglage à un autre en rétrécissant l’espace entre les deux cylindres, exactement comme pour la pasta, afin d’obtenir un long morceau de pâte très fin prêt à être enfourné.

C’est aussi une activité culinaire des plus divertissantes : que ce soit de la pâte à pâtes ou de la pâte à crackers, je trouve ça extrêmement agréable à manipuler et ça me rappelle toujours ma période Play Doh. Je passerais bien mes mercredis après-midi à faire ça.

Ma recette de crackers est très simple : on y met de la farine et de la semoule de blé fine (pour un résultat un peu plus texturé), des graines (du sésame et des graines de pavot en ce qui me concerne), du sel et de l’huile d’olive, et juste assez d’eau pour que ça s’amalgame en une pâte bien lisse qui passera sans effort (et sans coller) entre les cylindres du rouleau.

Au final, on obtient des crackers à la texture impeccable — suffisamment solides pour qu’on puisse les utiliser comme « cuiller » pour se servir dans le bol de tartinade, mais assez fins pour qu’ils se brisent sans effort dans la bouche — et qui se gardent en l’état quelques semaines.

C’est une bonne chose, parce que la recette en fait pas mal, mais tant qu’à sortir le rouleau à pâtes et à préchauffer le four, autant y aller. D’ailleurs, une fois que vous aurez votre stock de crackers sous la main, je doute que vous soyez à court d’idées pour les accompagner. Allez, je vous aide : c’est super avec du hummus, du caviar d’aubergine au yaourt, une anchoïade, une muhammara, un poicamole, ou un fromage végétal. Vous voyez l’esprit.

Cette recette se prête naturellement aux variations, et vous pouvez ajouter les herbes séchées et les épices de votre choix, et peut-être même un peu de fromage ferme râpé dans la pâte. Si vous décidez de varier les graines, choisissez-en des toutes petites, sinon la pâte ne passera plus entre les rouleaux et vous aurez l’air malin.

Levain naturel ! Si vous avez un levain naturel, vous pouvez utiliser votre excédent de levain dans cette recette, selon la formule de conversion dont je vous ai déjà parlé : ici, j’utilise 100 g de levain à 100% d’hydratation, et je diminue les quantités de farine et de semoule pour utiliser 125 g de chaque, et 75 ml d’eau.

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Salade de tomates et petit épeautre

Salade de tomates et petit épeautre

Mes déjeuners en semaine, c’est ça : des salades toutes simples avec des céréales, des légumes frais, une source de protéine ou une autre, et des herbes fraîches. J’en prépare une bonne dose, et après je n’ai plus à m’en occuper pendant quelques jours.

J’essaie de varier les plaisirs pour éviter de manger tout le temps la même chose, mais je reconnais que je reviens souvent à celle-ci ces derniers temps : elle est pleine de saveurs, rafraîchissante mais satisfaisante, avec un bon mélange de textures entre le fondant des tomates et la mâche du petit épeautre.

Le petit épeautre (ou engrain), pour ceux qui ne l’auraient pas encore rencontré, c’est une céréale antique dont le nom latin est Triticum monococcum, à ne pas confondre avec son petit cousin le grand épeautre, ou Triticum spelta.

Le petit épeautre fut l’une des toutes premières céréales cultivées par l’homme* : riche sur le plan nutritionnel, elle s’épanouit sur les terres arides et montagneuses où pas grand chose d’autre ne pousse. Celui que j’achète, le petit épeautre de Haute Provence bio, est cultivé à cet endroit-là sous la même forme (c’est-à-dire sans croisement) depuis 9000 ans**. Il est protégé par une IGP et il est monté à bord de l’arche du goût du Slow Food il y a quelques années.

Evincé par des céréales à plus fort rendement il y a bien longtemps, le petit épeautre connaît un début de commencement de regain de popularité, en France et ailleurs, alors que ceux qui se soucient du contenu de leur assiette s’efforcent de ne plus dépendre uniquement du froment et explorent les alternatives. Par ailleurs, il a été suggéré que cette céréale, bien que contenant du gluten, pourrait être consommée par les personnes intolérantes. (Attention : il est trop tôt pour en être sûr et il faut attendre les résultats d’études supplémentaires.)

Le petit épeautre se trouve facilement dans les magasins bio qui m’entourent, mais si vous n’en trouvez pas, vous pouvez aussi faire cette recette avec du grand épeautre ou avec du farro (amidonnier en français), que je n’ai jamais vu commercialisé en France, mais qui est assez répandu en Amérique du Nord par exemple.

Si les tomates et le petit épeautre forment la base de cette salade, l’élément que je leur adjoint peut changer d’une fois sur l’autre : c’est très bon avec du tofu comme sur la photo, mais ça marche aussi très bien — peut-être même encore mieux — avec de la feta ou de la mozzarella. Vous remarquerez que j’y mets aussi une touche discrète de cannelle, parce que la tomate aime ça.

* Voir Alternative Wheat Cereals as Food Grains, G.F. Stallknecht, K.M. Gilbertson, and J.E. Ranney, 1996.

** Je vous recommande la lecture de cet entretien avec Etienne Mabille, producteur de petit épeautre en Haute-Provence.

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Des Podcasts pour parler cuisine

Que je marche dans la rue, que j’enfourche mon vélo, que je m’affaire en cuisine, ou que je m’installe pour peler des fèves, je me mets toujours un bon podcast pour me divertir.

Il y en a certes quelques-uns que j’écoute qui ne sont pas en lien avec la cuisine — mon préféré de tous les temps, c’est This American Life — mais vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre que j’apprécie particulièrement ceux qui parlent des plaisirs de la table, et de leurs ramifications culturelles et politiques.

Je ne suis sans doute pas la seule, donc j’ai pensé partager avec vous la liste des podcasts que j’écoute régulièrement. Je précise que la plupart sont en anglais, mais quel moyen plus délicieux d’entretenir ou d’améliorer votre connaissance de la langue ?

Et bien sûr, si vous avez des recommandations à me faire, je suis toujours à la recherche de nouvelles pépites !

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Gâteau aux amandes, coulis de myrtille

J’ai goûté ce gâteau pour la première fois chez mon ami Adam en décembre dernier. J’étais à New York à l’occasion de la sortie du gros livre rose sur lequel j’avais travaillé, et Adam et Craig m’avaient invitée à dîner chez eux.

Ils auraient pu me servir n’importe quoi et j’aurais été comblée, parce que rien ne m’est plus doux que d’être reçue dans la maison de quelqu’un quand je voyage. Mais ce dîner-là était impeccablement réussi, et réfutait absolument le vocable d' »amateur » qu’Adam a choisi d’endosser à ses débuts.

C’était un divin gâteau aux amandes, beurré et parfumé, moelleux au milieu avec une croûte délicieuse tout autour. C’est simple, c’était une version maison des petits gâteaux aux amandes carrés, vendus par barquette de six au supermarché, dont ma soeur et moi raffolions quand nous étions adolescentes.

Après une salade de betteraves rôties et un filet de porc braisé au lait (consultez son billet pour les recettes), Adam a servi en dessert ce gâteau, dont la journaliste américaine Amanda Hesser a publié la recette dans le New York Times puis dans son recueil de chroniques, Cooking for Mr. Latte.

C’était un divin gâteau aux amandes, beurré et parfumé, moelleux au milieu avec une croûte délicieuse tout autour. C’est simple, c’était une version maison des petits gâteaux aux amandes carrés, vendus par barquette de six au supermarché, dont ma soeur et moi raffolions quand nous étions adolescentes. Une fois terminée la part supplémentaire qu’Adam avait emballée pour que je la rapporte à l’hôtel, je me suis promis de refaire ce gâteau de mes blanches mains.

L’idée est restée en veille quelques mois, et l’occasion s’est finalement présentée au printemps, lorsque la famille s’est réunie pour fêter les deux ans de mon neveu.

La particularité de cette recette, c’est qu’elle n’utilise pas d’amandes entières ni de poudre d’amande, mais de la pâte d’amande, ce qui contribue à donner au gâteau une texture résolument fondante. (Cela me fait d’ailleurs penser au gâteau suédois de Julia, que j’ai sous le coude depuis un moment et que je me promets de faire quand les pommes reviendront.)

J’ai un peu allégé l’ensemble, en diminuant la quantité de beurre et de sucre*, et en utilisant du yaourt à la place de la sour cream (une sorte de crème fraîche qui contient 12 à 16% de matière grasse), sans d’ailleurs que le gâteau perde rien de son côté gourmand.

Comme l’amande et la myrtille sont meilleures copines, j’ai aussi préparé un rapide coulis de myrtille à servir avec, l’idée étant de faire un peu plus sophistiqué, et d’ajouter une note acidulée pour trancher avec la richesse du gâteau. J’avais aussi envie d’utiliser les myrtilles qui étaient dans mon congélateur, en préparation d’un dégivrage de printemps qui n’a toujours pas eu lieu, mais n’insistons pas sur ce point.

Les adultes autour de la table ont convenu qu’il s’agissait d’un excellent gâteau aux amandes, mais surtout, le petit garçon que l’on fêtait a englouti sa (certes petite) part, en a demandé une deuxième, puis une troisième, et là il a fallu détourner son attention à l’aide du shinkansen en peluche que nous lui avions rapporté du Japon pour espérer avoir des restes à servir avec le thé le lendemain.

* La recette d’origine demande 225 g de beurre et 300 g de sucre ; j’ai utilisé 200 g de beurre et 150 g de sucre.

Gâteau aux amandes

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