Les topinambours apparaissent sur les étals à l’automne et y restent jusqu’en mars-avril, donc ouvrez l’oeil ; vous aurez probablement plus de chance d’en dénicher au marché qu’en grande surface. En France, on trouve le plus souvent une variété à la peau rose foncé (voir photo ci-dessous) mais le topinambour peut aussi être habillé de beige, ce qui est un peu moins seyant, mais il faudra peut-être vous en contenter.
Le topinambour est un exemple typique de ce qu’on appelle les légumes oubliés, terme qui regroupe en fait deux concepts différents : les variétés anciennes qui ont été abandonnées au fil du temps à la faveur de variétés plus robustes, plus productives et plus lisses, mais aussi les légumes que nos grands-parents ont été obligés de manger pendant la guerre, alors qu’ils étaient d’ordinaire plutôt réservés au bétail, parce que le reste était réquisitionné et rationné (voir billet sur les tickets de rationnement de ma grand-mère). Parmi ceux-là figurent notre ami le topinambour et son petit camarade le rutabaga, dont les gens n’ont plus voulu entendre parler une fois la guerre terminée.
Le retour des légumes oubliés !
Mais le topinambour connaît aujourd’hui son retour en grâce, et c’est une très bonne chose, parce que — contrairement au rutabaga, qui n’est vraiment qu’un sous-navet, pardonnez ma franchise — c’est un légume délicieux, avec une saveur délicate qui rappelle le coeur d’artichaut et une chair à la texture crémeuse une fois cuite.
Du coup, le topinambour est parfait en soupe, et plus particulièrement en velouté. Je le marie parfois au champignon ou à la pomme, mais ici j’ai choisi de le cuire avec de la poitrine fumée, qui ajoute à la douceur du topinambour une dimension umami fumée du meilleur effet. Quelques brins de ciboulette ciselée pour illuminer le tout, et voilà une soupe rustique mais subtile, que l’on peut servir avec de longues mouillettes grillées, taillées dans la baguette de la veille.
Quand ils ne finissent pas en velouté de topinambour, mes tubercules sont aussi susceptibles d’être braisés ou rôtis ; réduits en purée garnie de noisettes à servir avec du lapin ou du gibier ; glissés avec des panais dans un gratin dauphinois ; cuisinés en risotto ou en frittata avec des champignons et des blettes ; ajoutés tièdes à une salade de mâche aux noix… Je n’ai pas encore essayé cru (en carpaccio) ni frit (en chips), mais il paraît que c’est bien aussi.
Parlons digestion !
Il semble impossible d’évoquer les topinambours sans aborder cette question délicate, alors voilà, disons-le : les topinambours peuvent être difficiles à digérer. La responsable, c’est l’inuline, un type de fibre présent dans ces tubercules et auquel certaines personnes (mais pas toutes) sont sensibles — ce qui contribue sans doute à expliquer pourquoi nos grands-parents se sont empressés de les bannir.
Il serait déloyal de recommander la consommation des topinambours sans aborder une question délicate.
Mais comme les topinambours sont par ailleurs excellents au goût et pour la santé, il serait dommage de s’en priver, et les trois astuces suivantes semblent atténuer le problème de façon significative. Je reconnais volontiers que ces conseils sont purement empiriques, et non le résultat d’une démarche expérimentale rigoureuse et scientifique, mais j’espère bien voir un jour Hervé This se pencher sur la question.
La première chose, et la plus importante à mon avis, c’est de se procurer des topinambours aussi frais que possible — ils doivent être bien ferme, avec une peau bien lisse — et de les cuisiner rapidement. Ça paraît curieux, puisque les légumes-racine se conservent généralement bien, mais la structure moléculaire de tous les légumes continue d’évoluer après qu’ils ont été cueillis, et c’est aussi le cas ici.
Deuxièmement, l’effet des topinambours est tempéré si on commence par les blanchir : on les met dans de l’eau froide avec un peu de bicarbonate de sodium, on amène à frémissement, et on jette l’eau de cuisson avant de continuer la recette. Enfin, il semble que la compagnie de la pomme de terre leur soit bénéfique — une histoire d’enzyme présente dans la pomme de terre qui permettrait de décomposer la fameuse inuline — et comme la nature est bien faite, il se trouve que les deux tubercules s’entendent à merveille.
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Ingrédients
- 1,2 kg de topinambours (choisissez-les pas trop noueux si possible)
- 1 pomme de terre à purée de taille moyenne, environ 200 g
- 1/2 c.c. de bicarbonate de sodium
- 100 g de poitrine fumée (voir note) coupée en dés
- 1 gousse d'ail grossièrement hâchée
- 1 litre de bouillon de volaille ou de légumes, non salé de préférence, chaud (si vous avez moins qu'un litre de bouillon, complétez avec de l'eau)
- poivre du moulin
- un petit bouquet de ciboulette
Instructions
- Pelez les topinambours à l'économe (voir note) et mettez-les au fur et à mesure dans un saladier d'eau fraîche pour éviter qu'ils s'oxydent. Inutile de vous escrimer à les peler parfaitement, s'il reste des petites particules de peau dans les recoins, ça ne fait rien. Pelez la pomme de terre.
- Rincez les légumes dans un ou deux bains d'eau fraîche, coupez-les en morceaux (~3cm) et mettez-les dans une casserole. Couvrez d'eau froide, ajoutez le bicarbonate, et amenez à frémissement. Dès que l'eau frémit, retirez du feu et réservez dans l'eau de cuisson.
- Pendant que les légumes chauffent, mettez une cocotte sur feu moyen. Ajoutez les dés de poitrine fumée et faites-les revenir jusqu'à ce qu'ils soient bien dorés. Une minute avant d'atteindre ce stade, ajoutez l'ail et faites revenir en remuant souvent pour éviter la coloration.
- Egouttez les légumes blanchis et ajoutez-les à la cocotte. Versez-y le bouillon chaud, mélangez, et amenez à frémissement. Couvrez et laissez cuire 15 à 18 minutes, jusqu'à ce que les légumes soient tendres.
- Mettez un tablier et mixez la soupe à l'aide d'un mixeur-plongeur ou d'un blender. Goûtez et salez si nécessaire (mais comme la poitrine fumée est déjà assez salée, je trouve que c'est inutile). Répartissez entre les assiettes, saupoudrez de poivre et de ciboulette ciselée, et servez.
Notes
- Si vous voulez faire une adapation végétarienne, vous pouvez la démarrer à l'huile d'olive et l'assaisonner de paprika fumé.
- Il y a des gens qui n'épluchent pas les topinambours, mais qui les brossent simplement. Ccedil;a fait certainement gagner du temps, mais je trouve que la peau, toute rose qu'elle soit, n'est pas très appétissante, et je ne tiens pas à en retrouver trop de petits bouts dans mon assiette.
Ce billet a été publié en octobre 2009 et mis à jour en janvier 2016.