J’aime cuisiner pour la même raison que certains aiment tricoter : ça vous sollicite suffisamment pour que vous n’ayez pas à penser à la paix dans le monde, mais ça vous laisse suffisamment de bande passante pour vagabonder, tenir des conversations imaginaires, tourner et retourner des phrases dans votre tête (tout le monde fait ça, rassurez-moi ?) et d’une façon générale, vaquer à vos petites affaires dans le confort de votre esprit.
La préparation des légumes provoque invariablement des monologues intérieurs de ce type, et ces derniers temps ils ont souvent été dominés par la question suivante : pourquoi les aliments collent-ils à mon couteau, et que faire pour les en empêcher ?
Vous connaissez sans doute le phénomène : dès que je coupe quelque chose (par exemple un oignon ou une courgette), les morceaux que je viens de couper ont tendance à coller au côté droit de la lame (je suis droitière), de telle sorte que quand je découpe la tranche suivante, les morceaux collés sont poussés vers le haut par la nouvelle tranche, et retombent à droite de la lame (pas dramatique), ou bien roulent de la planche à découper et finissent parfois par terre (agaçant), ou encore retombent à gauche de la lame, et dans ce cas il y a des chances pour que je les recoupe à nouveau quelques instants plus tard (grrrr).
Après avoir composé un email imaginaire pendant quelques séances de tranchage de courgettes (je mange beaucoup de courgettes), je me suis enfin décidée à écrire à Peter Hertzmann, le très érudit créateur du site à la carte et du blog associé, professeur de cuisine, et auteur de l’indispensable Knife Skills Illustrated, dont il m’a offert un exemplaire lorsque nous nous sommes vus à San Francisco il y a quelques années. Evidemment, Peter avait la réponse à ma question et je vous la livre ici, avec quelques autres astuces que j’ai retenues pendant mes recherches.
Alors, pourquoi les aliments collent-ils à mon couteau ?
Cela s’explique principalement par la tension superficielle, un phénomème physique qui conduit la surface des liquides à résister à une force externe. Dans notre cas, cela explique que les aliments qui contiennent beaucoup d’eau (et nombre de légumes en sont composés à plus de 90%) créent des tranches dont la surface, très humide, adhère au plat de la lame.
Comment faire pour les en empêcher ?
Vous pouvez décider de ne plus manger que des aliments séchés — un régime saucisson sec et crackers vous fera sans doute le plus grand bien — ou vous pouvez adopter une combinaison de ces trois stratégies :
Strategie n° 1 : Utilisez le bon type de couteau
Si vous êtes en quête d’un nouveau couteau de chef, ou si l’adhérence des aliments vous agace suffisamment pour justifier de remplacer le vôtre, vous pouvez envisager d’acquérir :
– Un couteau avec un affûtage convexe (« full convex grind » sur ce diagramme). Ceci signifie que le profil de la lame est une courbe presque continue du bord jusqu’à l’épine dorsale, ce qui réduit la surface de contact. Cette video est assez convaincante.
– Un couteau avec des fossettes sur la lame (comme sur la photo ci-dessus) ou avec une finition martelée (tsuchumi en japonais, comme sur ce modèle). Ces deux techniques créent des poches d’air le long de la lame qui réduisent la tension superficielle. Peter m’a dit qu’il ne trouvait pas que les fossettes faisaient réellement une différence, et il est vrai que mon couteau en a et que les aliments collent quand même. Ce serait peut-être pire sans ? En tout cas, Peter vote pour la finition martelée, et je l’envisagerai quand je déciderai de m’offrir un nouveau couteau.
– Un couteau avec une longue lame. Peter recommande une lame d’au moins 25 cm, afin que le geste correct pour trancher, décrit ci-dessous, soit d’une efficacité optimale.
Stratégie n° 2 : Travaillez votre technique
D’une façon générale, quand on utilise un couteau, le mouvement à adopter consiste à trancher plutôt que hacher les aliments. Trancher, cela implique un mouvement de bas en haut, mais aussi d’avant en arrière (vous pouvez vous référer à la 3ème vidéo à partir de la minute 2:18).
Non seulement cela réduit l’effort à fournir (la lame entre dans l’aliment de façon oblique plutôt que d’appuyer tout droit dessus ; c’est pour ça que la lame de la guillotine avait cette forme) et donne des résultats plus nets, mais cela vous permet aussi de couper plus vite, et la vitesse de découpe diminue la tension superficielle. Et puis, si les aliments collent quand même, chaque nouvelle tranche pousse la précédente latéralement plutôt que juste vers le haut, ce qui crée moins de désordre.
Stratégie n° 3 : Contrôlez le chaos
Si ça colle quand même malgré vos efforts, ce sera beaucoup moins énervant si :
– vous utilisez une grande planche à découper sur un plan de travail dégagé, pour que les aliments aient la place de se déposer, et que vous ne passiez pas votre temps à récupérer des tranches de courgette derrière le pot à ustensiles et les flacons d’épices,
– vous « essuyez » fréquemment le côté de la lame (je fais ça avec mes doigts, certains avec le rebord de la planche) pour déloger les tranches d’aliments collés dessus,
– vous gardez un contenant de mise en place à portée de main (j’utilise une passoire) pour transférer régulièrement les aliments que vous venez de découper, afin d’éviter d’être envahi par des piles de tranches, et de ne pas couper deux fois les mêmes morceaux.
Participez à la conversation !
Vous aussi, ça vous énerve quand les aliments collent au couteau ? Est-ce que vous avez essayé les astuces ci-dessus, ou en avez-vous trouvé d’autres ?