J’ai déjeuné récemment chez Solyles, un restaurant-rôtisserie qui a ouvert il y a peu dans mon quartier.
Ça ne vous aura pas échappé, le nom se prononce comme sot-l’y-laisse, le terme qui désigne les « huîtres » du poulet, ces deux petits morceaux de chair succulente qui se trouvent au creux des reins du volatile, de part et d’autre de sa colonne vertébrale. Un joli mot qui vous donne le droit de vous sentir supérieur quand 1) vous savez qu’ils existent, et 2) vous êtes capable de les identifier et de les extraire proprement en découpant un poulet.
Chez Solyles, on a partagé un excellent poulet bio à pattes noires de Challans avec nos amis, et alors que nous finissions nos assiettes, j’ai regretté de ne pas avoir apporté un contenant pour remporter les os et en parfumer mon prochain bouillon*.
Un de mes amis m’a alors demandé comment je m’y prenais, et ça m’a rappelé que, malgré les nombreux avantages du bouillon de poulet maison, ça reste une préparation que beaucoup pensent être longue et compliquée, alors qu’en fait, c’est :
Rapide
Il faut certes quelques heures de cuisson lente pour extraire toutes les bonnes choses des os du poulet, mais en réalité il suffit de mélanger, attendre, et filtrer, ce qui représente en tout et pour tout 10 minutes de travail actif. Le reste du temps, votre mission est de ne rien faire du tout, à part vérifier le niveau de l’eau de temps en temps.
Economique
Il y a des gens qui achètent des ingrédients exprès — pour certains, des poulets entiers ! — pour faire du bouillon de poulet, mais j’ai toujours trouvé que c’était prendre les choses à l’envers.
Pour moi, la beauté du bouillon de poulet c’est qu’on peut le préparer en utilisant principalement des rebuts culinaires, ces petites choses dont vous ne feriez rien sinon : non seulement la carcasse du bon poulet que vous avez fait rôtir dimanche midi, mais aussi les pelures d’oignon (c’est bien plus facile de peler les oignons si on retire carrément la première couche, en la mettant de côté pour le bouillon), les parures de carottes et de champignons, le vert des poireaux et les tiges du fenouil, sans compter les tiges des herbes et toutes sortes d’ingrédients que vous auriez en quantité et/ou qui pourraient se perdre autrement. (Il faut simplement éviter d’utiliser les crucifères et les légumes à feuilles amères, dont la saveur serait trop forte.)
Et j’ai appris tout récemment qu’on peut même réutiliser les os (!!) pour plusieurs « fournées » de bouillon — jusqu’à trois semble-t-il, on appelle ça le « remouillage » — donc c’est ce que je ferai dorénavant.
Flexible
Pour parfumer un bouillon de poulet, on utilise de façon classique le trio oignon-carotte-céleri, mais en réalité seuls les os de poulet sont réellement indispensables. Pour le reste, vous pouvez supprimer ou remplacer tout ce que vous voulez, et mettre au point votre propre formule en utilisant ce que vous avez sous la main au réfrigérateur, ou au congélateur dans la « boîte à bouillon » que je vous recommande d’y conserver. Et j’adore ce petit moment d’impro quand, après avoir déposé les os dans ma cocotte, j’y ajoute gaiement toutes sortes d’ingrédients en les cueillant à droite à gauche dans ma cuisine et en essayant de maintenir un bon équilibre de saveurs.
C’est tout aussi flexible en terme de timing. Aucune obligation de faire ce bouillon dès que vous avez des os à utiliser : vous pouvez simplement congeler la carcasse et les os (cassez le dos du poulet en deux, ce sera plus simple à faire tenir dans la cocotte) pour les ressortir quelques jours, semaines, ou mois plus tard. Pour ma part, je préfère attendre d’avoir deux carcasses pour optimiser mon temps et obtenir un bouillon plus intense.
Bon pour la santé
Lorsqu’on le fait cuire à température modérée et en utilisant de bons ingrédients — le plus important : un poulet bien élevé, surtout pas un poulet de batterie — le bouillon de poulet est singulièrement riche en nutriments et permet notamment de renforcer le système immunitaire, combattre l’inflammation, et améliorer la santé du système digestif. Et comme il contient de la gélatine — une fois refroidi, un bouillon réussi est pris en gelée plus ou moins ferme — c’est aussi très bon pour la peau, les dents, les cheveux, les ongles et les os.
Délicieux !
On peut simplement boire le bouillon tel quel, dans un bol ou une assiette creuse, avec éventuellement un peu de ciboulette ciselée et peut-être des petites pâtes ou des ravioles du Dauphiné qu’on aura pochées dans le bouillon. On peut aussi en ajouter une ou deux cuillerées à soupe pour déglacer la poêle quand on fait sauter des légumes, et bien sûr, ça change tout quand on s’en sert comme base pour la soupe, le risotto, un curry, ou tout autre plat mijoté.
Participez à la conversation !
Est-ce qu’il vous arrive de faire du bouillon de poulet, ou d’autres sortes de bouillons et fumets ? Quelle est la méthode que vous préférez, et que faites-vous du bouillon ensuite ?
* Alors bon, je pense comme vous que « ça ne se fait pas » mais je pense aussi que comme les os sont jetés lorsqu’ils reviennent en cuisine, autant que ça serve, non ?
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Ingrédients
- les os et la carcasse d'1 ou 2 poulets rôtis bien élevés (Label Rouge, bio, ou d'un producteur en qui vous avez confiance)
- 1 gros oignon (retirez la première peau terreuse, mais inutile de le peler entièrement), ou des pelures d'oignon mises de côté, grossièrement haché(es)
- 2 carottes moyennes, ou des parures de carotte mises de côté, grossièrement hachées
- 2 tiges de céleri, ou des tiges de fenouil mises de côté, grossièrement hachées
- 2 gousses d'ail non pelées, grossièrement hachées
- 1 c.s. de vinaigre de cidre ou de jus de citron (l'acidité permet de mieux extraire les minéraux des os)
- 1/4 c.c. de grains de poivre entiers, écrasés du plat du couteau
- 1 c.c. de sel
- des verts de poireau ou d'oignons nouveaux
- des parures de champignon
- des herbes fraîches (persil, ciboulette, coriandre, estragon, origan, cerfeuil... je ne conseille pas la menthe), ou simplement les tiges mises de côté
- 1 à 3 tiges de thym ou de romarin
- 1 feuille de laurier
- 1 morceau de gingembre de la taille du pouce, coupé en rondelle
- 1 à 3 rubans de zeste de citron ou d'orange bio, prélevés avec un épluche-légume
- 1 c.s. de concentré de tomate
- 1 pruneau dénoyauté
- un trait de vin blanc sec
- 3 clous de girofle entiers
- des épices entières (coriandre, graines de fenouil, fenugrec, etc.), environ 1/8 c.s. chacune
Instructions
- Mettez tous les ingrédients dans une cocotte assez grande pour les accueillir confortablement. J'utilise ma cocotte minute (sans couvercle ni mise sous pression) qui a une contenance de 5 litres, et si tout ne tient pas je garde l'excédent pour mon prochain bouillon.
- Recouvrez d'eau froide et amenez à un frémissement léger ; à aucun moment le bouillon ne devrait bouillir.
- Pendant la première heure de cuisson, une couche mousseuse va se former à la surface. Retirez-la à l'aide d'une écumoire ou d'une grande cuillère.
- Maintenez le bouillon à ce frémissement léger pendant 4 à 6 heures (voir note) en gardant un oeil dessus pour ajouter un peu d'eau quand le niveau aura baissé.
- Placez une passoire fine sur un grand saladier -- j'utilise celui-ci, qui a l'avantage, en plus d'être beau comme un camion, d'avoir un bec verseur et un couvercle -- et en utilisant l'écumoire ou une louche, transférez autant de solides que vous pouvez dans la passoire.
- Laissez égoutter quelques minutes, récupérez les os et la carcasse du poulet si vous souhaitez les réutiliser pour un nouveau bouillon, et jetez le reste.
- Versez le reste du bouillon à travers la passoire.
- Couvrez et refroidissez le bouillon assez rapidement pour éviter le développement de bactéries : vous pouvez mettre le saladier sur le rebord de la fenêtre s'il fait froid, ou bien dans une bassine avec un fond d'eau glacée (voir note).
- Une fois le bouillon refroidi, vous pouvez racler le gras qui se sera solidifié à la surface, mais personnellement je ne le fais pas : avec les poulets que j'utilise, la couche est généralement très fine, et un peu de gras contribue à la saveur du bouillon.
- Vous pouvez conserver le bouillon au réfrigérateur jusqu'à une semaine, ou le répartir entre plusieurs contenants que vous congèlerez jusqu'à 6 mois.
Notes
- S'ils sont congelés, les ingrédients peuvent tous être utilisés directement, sans décongélation.
- Certaines personnes laissent mijoter le bouillon jusqu'à 24h, mais alors il ne faut ajouter les légumes, herbes, et autres aromates que pour les 4 à 6 dernières heures, sinon ils se désintègrent complètement.
- Ne mettez jamais des aliments encore chauds au réfrigérateur : ils en élèveraient la température et compromettraient la conservation des autres aliments.