Interview

Cuisinières La Cornue : Visite d’atelier !

La Cornue

J’ai eu il y a quelques semaines l’opportunité de visiter le site où sont fabriquées les cuisinières La Cornue, « la » marque française de pianos de luxe fabriqués à la main et sur mesure, qui fête cette année les 110 ans de son fameux four-voûte, inventé en 1908.

J’ai toujours adoré les visites d’atelier, et celle-ci était à la hauteur de mes attentes. Les pianos La Cornue me font rêver depuis longtemps, et j’étais heureuse de constater que la perception que j’en avais — celle d’une marque d’artisanat de luxe — se traduisait effectivement dans l’exigence des choix qui sont faits à chaque étape de fabrication.

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5 Conseils pour cuisiner avec un jeune enfant

Comme l’indique le titre de ce billet, aujourd’hui, nous allons parler enfants ! Si le sujet ne vous concerne ni ne vous intéresse, je comprends parfaitement, et je vous invite à jeter un oeil à ce pot-au-feu de printemps, ce gâteau au gingembre frais, ou ces expressions imagées autour de la cuisine, qui sont très chouettes aussi. On est bon ? Allons-y.

Mon fils aîné aura quatre ans le mois prochain, et cela fait un petit moment que j’ai envie de partager avec vous quelques réflexions sur le temps qu’on passe en cuisine ensemble. En un mot comme en cent : cuisiner avec un jeune enfant, ce n’est pas évident. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’on y arrive quand même, et ça se passe d’autant mieux si on peut garder en tête ces quelques principes.

Crédit photo : No Milk Today.

Crédit photo : No Milk Today.


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En coulisses chez Earlywood : Une Interview de Brad Bernhart

Sublimes ustensiles de chez Earlywood. Photos de Dan Armstrong.

{RENDEZ-VOUS AU BAS DE LA VERSION ANGLAISE POUR PARTICIPER AU CONCOURS !}

Je pense à Brad Bernhart tous les jours.

A chaque fois que je remue un plat qui mijote, que je décolle des bouts de légumes caramélisés de la plaque du four, que j’étale du beurre d’amande sur ma tartine, que je me sers un bol de granola, que je découpe un fruit… Je tiens dans ma main ces ustensiles élégants, durables et bien conçus, et je me dis que j’ai de la chance de pouvoir les utiliser tous les jours.

Je vous ai parlé d’Earlywood il y a un petit moment déjà, et je suis restée en contact avec Brad depuis. Alors quand il m’a dit qu’il lançait de nouveaux produits — des mini planches à découper, des cuillères de dégustation toutes en longueur, une planche à pain biseautée — j’ai accepté avec plaisir de les tester.

Comme tout ce que Brad fabrique, ces objets sont d’une grande beauté et d’une finition remarquable, et j’ai été particulièrement enthousiasmée par les mini-planches au design inédit. Magnifiques, non ?

J’ai toujours adoré les visites en coulisses, et j’ai donc proposé à Brad de l’interviewer pour mieux comprendre comment il travaille. Il s’est prêté au jeu des questions réponses avec un plaisir manifeste, et j’espère que ça vous intéressera autant que moi.

Vous n’avez sans doute pas besoin qu’on vous rappelle que les fêtes approchent, mais permettez-moi de souligner que tous les éléments de la collection Earlywood feront des cadeaux parfaits, originaux et d’un excellent rapport qualité-prix.

Et en cadeau pour vous lecteurs de Chocolate & Zucchini, Brad offre un généreux assortiment d’ustensiles que vous pouvez gagner par le biais d’un concours. Pour participer, tous les détails se trouvent au bas du billet en version anglaise. Bonne lecture et bonne chance !

Clotilde Dusoulier

Parle-nous de ton chemin de vie : qu’est-ce qui t’a amené à devenir artisan du bois ?

Voilà un résumé en quelques étapes : gamin, mordu de glisse, étudiant, ingénieur, mari, père, Earlywood!

Clotilde Dusoulier

À quoi ressemble une journée dans la vie de Brad ?

Mes journées sont toutes différentes. Ma femme est infirmière et travaille de nuit, donc elle est souvent soit en train de se préparer pour le travail, soit en train de récupérer, mais si je devais décrire une journée-type, voilà à quoi ça ressemblerait. Si j’y arrive, j’essaie de me lever avant mes enfants pour accomplir quelques tâches, comme prendre une douche ou boire mon café en silence ! Arrivent ensuite les enfants. Ils ont deux et trois ans respectivement, et il leur faut à peine dix secondes pour passer de 100% marmotte à 100% tornade. On fait le petit déjeuner, on s’habille et on se prépare pour la journée. C’est à ce moment-là que je passe généralement le flambeau à ma femme et que je vais travailler.

Certains jours, je passe quelques heures dans le bureau à gérer mes emails et faire de l’administratif, et quand tout est en place, je file à l’atelier pour « faire de la sciure ! » Je travaille aussi intensément que je peux pendant aussi longtemps que je peux, avant de replonger dans l’ouragan de mes enfants. On dîne en famille, on fait des activités, puis c’est l’heure du coucher pour eux. À ce moment-là, j’ai enfin un peu de temps pour moi, au calme, mais comme de nombreux parents sans doute, le plus souvent… je m’endors !

Brad Bernhart

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Les Parents qui cuisinent : Emily Mazo-Rizzi

Emily Mazo-Rizzi est une américaine qui vit à Paris depuis 1999, où elle a d’abord travaillé comme chef de projet Internet. Elle est ensuite rentrée aux Etats-Unis pour se reconvertir en professeur de Pilates grâce à une formation d’un an, et elle enseigne ainsi le Pilates à Paris depuis 2010. Elle est mariée à un français, Bruno, et la cuisine et la nourriture font partie intégrante de leur vie de couple.

Je connais Emily depuis dix ans, depuis nos tout premiers échanges à travers Chocolate & Zucchini, et au cours de cette décennie elle est devenue ma propre prof de Pilates et une amie précieuse. Sa fille Olivia étant née quelques mois seulement après mon fils aîné Milan, nous avons eu de nombreuses conversations sur les enfants et la parentalité, et je suis tellement admirative de sa façon d’impliquer Olivia en cuisine (vous verrez ci-dessous !) que je tenais à l’inviter pour ma série des Parents qui cuisinent. Elle a bien voulu accepter ma proposition et j’espère que vous serez tout aussi intéressés que moi par son approche. Merci Emily !

Clotilde Dusoulier

Peux-tu nous dire quelques mots sur ta fille ? Son nom, son âge et son tempérament ?

Olivia a deux ans et demi. Elle est facile à vivre, observatrice, calme, curieuse et douce. Elle aime bouger et rire et surtout, elle adore cuisiner avec nous. Elle est aussi hésitante à rencontrer de nouvelles personnes qu’elle l’est à découvrir de nouveaux mets, mais elle finit toujours par essayer et par apprécier.

Clotilde Dusoulier

Est-ce que l’arrivée de ta fille a changé la façon dont tu cuisines ?

Absolument. D’ailleurs, je pense qu’il n’y pas un seul aspect de ma vie qui n’ait changé depuis que j’ai un enfant ! Avant, mon mari Bruno et moi passions facilement plus d’une heure à préparer le dîner ensemble chaque soir. Nos repas n’étaient pas forcément très élaborés mais nous avions toujours deux ou trois petits plats, ou une entrée et un plat. Maintenant, nous faisons plutôt des repas autour d’un plat central, ou un plat plus une salade ou une entrée froide.

Comme j’enseigne le Pilates, il y a deux soirs par semaine où je travaille, et Bruno cuisine pour nous ces soirs-là. Les autres soirs, je commence à préparer le dîner pendant qu’Olivia mange, et Bruno prend le relais que je vais lui donner son bain. Nous ne sommes pas encore assez organisés pour dîner tous ensemble le soir en semaine, mais c’est le but que nous nous sommes fixé pour la rentrée prochaine.

Clotilde Dusoulier

Est-ce que tu te souviens ce que c’était que de cuisiner avec un nouveau-né ? As-tu des astuces ou des conseils pour les jeunes parents qui traversent cette phase ?

Quand j’étais en pleine phase de « nidification » en attendant l’arrivée d’Olivia, un de mes grands projets était de faire de la sauce tomate. Elle est née en octobre donc nous avions des bonnes tomates de notre maraîcher jusqu’à sa naissance. Bruno se moquait de moi car on achetait un ou deux kilos de tomates chaque semaine et je les préparais en sauce à congeler. Ça me rassurait de me dire que quand notre fille serait là, nous aurions au moins de la bonne sauce tomate maison à mettre sur des pâtes ou pour accommoder des légumes. Nous avons aussi préparé et congelé des portions de bouillon de poulet pour faire des risottos, des soupes et des sauces. Je pense que préparer soi-même un stock de nourriture en avance est une excellente manière de se préparer pour l’arrivé du bébé.

Ensuite quand Olivia est née, nous avons mangé plus de plats à emporter que nous n’en avons jamais mangé avant ou depuis ! Bruno a fièrement joué son rôle de « chasseur-cueilleur » en sortant dans un Paris froid, pluvieux et ensuite enneigé pour rapporter des choses faciles à préparer. Nous adorons les légumes, donc il y en avait toujours. Nous essayions aussi de doubler les quantités pour avoir des restes le lendemain.

Aux Etats-Unis, les amis et la famille apportent toujours à manger aux nouveaux parents. Comme j’aurais aimé que ça soit ainsi à Paris ! Si jamais j’ai un autre enfant, je pense que je serai plus directe et que je dirai aux amis qui viennent voir le bébé : « Ne vous embêtez pas avec un cadeau, apportez-nous plutôt à dîner ! » Plusieurs amis américains l’ont fait et qu’est-ce que nous étions reconnaissants !

Olivia fait des sablés.

Olivia fait des sablés.

Clotilde Dusoulier

Au fil du temps, as-tu mis au point des recettes ou des stratégies qui te permettent de jongler entre la préparation des repas et ta fille ?

Nous essayons de préparer la nourriture pour Olivia en avance. Nous avons commencé quand elle était bébé. Le dimanche nous avons l’habitude d’aller au marché, et nous utilisions alors nos légumes pour préparer des quantités industrielles de compote de pommes ou d’autres fruits, des purées de carottes ou de courgettes ou de pomme de terre, etc. Comme un autre parent de cette rubrique, Tamami Haga, nous congelons tout à plat dans des sachets Ziplocs : nous avons un petit congélateur et ça fait gagner de la place. (Si vous le faites, n’oubliez pas de tout étiqueter et dater !)

Maintenant qu’Olivia est sortie de la phase « purée », nous continuons à lui préparer ses repas en avance et de les congeler. C’est incroyable le nombre de préparations qui se congèlent bien ! Elle adore le chou-fleur rôti de Clotilde, sans la sauce de poisson ; j’en ai d’ailleurs fait hier soir. Maintenant qu’elle est plus grande, nous essayons de préparer une portion de notre dîner en plus que nous gardons pour son dîner du lendemain. Pour les féculents nous avons toutes sortes de pâtes, de riz, et d’autres type de céréales dans le placard. Je congèle aussi de la pomme de terre et de la patate douce cuisinées en purée. Je rajoute des légumes partout, par exemple : purée de pomme de terre ET courgette, purée de patate douce ET potimarron, omelette aux épinards ou aux blettes, etc.

Olivia était dans sa chaise haute dans la cuisine avec nous dès son plus jeune âge, donc elle est complètement habituée. En grandissant, elle jouait ou dessinait pendant que nous cuisinions ; je gardais des jouets spéciaux rien que pour la cuisine. Maintenant, elle mange quand nous cuisinons notre dîner, et elle aide à préparer son repas.

Olivia étale la pâte pour les sablés.

Olivia étale la pâte pour les sablés.

Clotilde Dusoulier

As-tu trouvé le moyen de l’impliquer dans ta cuisine ? Peux-tu nous dire comment tu t’y es prise, ce qui marche et ce qui ne marche pas ?

Olivia a commencé à cuisiner avec nous juste avant ses deux ans. J’ai commencé un samedi matin, sans contrainte de temps, et nous avons fait des sablés. Elle m’a aidée à sortir les ingrédients, à les mesurer, et à appuyer sur les boutons de la balance. Après, elle a appuyait sur les boutons du robot. Elle adore le voir tourner. Ensuite nous avons étalé puis découpé la pâte avec des emporte-pièce, et nous les avons mis sur la plaque. A un moment donné j’ai « sacrifié » un peu de pâte et elle a joué avec. Quand les sablés étaient prêts, elle a prononcé un « WAOUW ! » enthousiaste et s’est empressée de demander à goûter.

Maintenant nous lui confions autant de tâches que possible. Elle met le sel dans la casserole pour l’eau des pâtes ou du riz. Elle équeute les épinards — un super jeu de tri — et elle adore les laver. Elle sort des sacs les aliments congelés et découvre comme c’est froid et humide. Elle coupe le beurre pour le mettre dans son riz ou une autre céréale. Nous lui apprenons à verser avec soin, à remuer, à battre et même à couper. Bruno lui fait mettre sa petite main sur la sienne sur le couteau et elle guide le mouvement quand il coupe des aliments mous comme de la betterave ou de l’avocat. Elle sait qu’il faut pousser, et elle dit « Pouuuuuusse ! » Quand je découpe quelque chose, elle me dit « Attention les doigts, Maman! » Elle adore arroser d’huile d’olive les légumes à griller. Elle sort aussi les aliments du frigo ou du placard quand on le lui demande, et les remet bien à leur place.

Je pense que de l’avoir en cuisine avec nous fonctionne car elle a compris que c’est un lieu important pour notre famille ! Nous lui avons appris que cuisiner est un privilège, et elle sait si elle n’écoute pas nos instructions, elle risque de perdre ce privilège. Elle a été tellement contrariée quand c’est arrivé que ça n’arrive quasiment jamais.

Olivia et la cuisinière à gaz (!)

Olivia et la cuisinière à gaz (!)

Clotilde Dusoulier

En tant que passionnée de cuisine, peux-tu nous parler des joies et des difficultés que tu as rencontrées en nourrissant ta fille, et en essayant de lui apprendre à être une mangeuse heureuse et audacieuse ?

Nous avions tellement hâte qu’Olivia commence la diversification : nous imaginions qu’elle ouvrirait la bouche, goûterait, avalerait et en redemanderait. Nous avons été extrêmement déçus ! La purée de carottes s’apparentait pour elle à une forme de torture. Cette première expérience était une bonne illustration des hauts et des bas de l’apprentissage de la nourriture avec un enfant. Quand ils essaient quelque chose pour la première fois, je pense que c’est important de rester calme et de ne pas se sentir vexé s’ils rejettent le plat que vous venez de passer des heures à lui préparer. Congelez les restes et réessayez encore et encore. Je ne sais plus où j’ai entendu ça, mais un pédiatre disait qu’un enfant doit essayer un aliment trente fois avant de déterminer s’il l’aime ou pas !

Olivia est souvent réfractaire quand il s’agit d’essayer de nouveaux aliments. Nous lui demandons de goûter une seule bouchée ; parfois elle accepte, parfois non, et nous ne l’obligeons pas à terminer si elle ne veut pas. Nous savons maintenant que même si elle résiste, elle finit toujours par goûter et la plupart du temps à aimer.

Nous sommes plus stricts quand nous sommes à la maison sur le fait qu’elle mange tout son repas avant de passer au yaourt ou au fruit. Par contre, quand nous sommes au resto ou chez des amis, nous lui proposons de tout et ne faisons pas d’histoires si elle ne mange pas un repas équilibré. Apprendre à choisir ses batailles est la clé quand on élève un enfant, et c’est aussi très utile pour que le repas soit un moment agréable.

Comme avec tout, les enfants apprennent par l’exemple. Bruno et moi voyons le moment du repas comme un temps précieux de détente, un moment pour partager de bonnes et de nouvelles choses en famille. Nous lui servons les choses que nous mangeons nous-mêmes, et nous l’encourageons à goûter au moins les nouvelles saveurs. Elle veut faire comme nous, elle veut manger ce que nous mangeons. Nous lui donnons même des choses que nous n’aimons pas, comme les betteraves ou le yaourt de brebis, et elle adore. Nous avons peut-être besoin de les regoûter trente fois nous aussi !

Olivia

Les Parents qui cuisinent : Laurie Colwin

Laurie Colwin fêtant les quatre ans de sa fille Rosa en 1988.

Avez-vous déjà lu l’un des livres de Laurie Colwin ?

Cette auteure américaine, qui vivait à New York, a écrit des romans et a tenu pendant quelques années dans le magazine Gourmet une chronique dans laquelle elle abordait sa vision de la cuisine d’une façon si chaleureuse, accessible et pleine d’esprit qu’il était impossible — et l’est toujours aujourd’hui — de ne pas vouloir l’adopter immédiatement comme meilleure amie. Ces essais ont été publiés en deux recueils — non traduits en français à ce jour, contrairement à ses romans — intitulés Home Cooking: A Writer In The Kitchen et More Home Cooking: A Writer Returns to the Kitchen, et devenus cultes pour les amateurs de savoureuse prose culinaire.

Laurie Colwin est morte soudainement en 1992, à l’âge injuste de 48 ans, et a laissé derrière elle un enfant qui n’avait alors que huit ans. RF Jurjevics, fraîchement trentenaire, est aujourd’hui producteur multimédia — fondant son propre studio Big Creature Media il y a deux ans — et nous avons eu l’occasion d’échanger à l’automne dernier, lorsque l’éditeur Open Road a publié l’oeuvre de Laurie Colwin en e-books pour la première fois et m’a proposé de nous mettre en contact pour promouvoir cette sortie.

J’ai immédiatement sauté sur l’occasion d’inviter à titre posthume Laurie Colwin, pour qui j’ai énormément d’admiration, dans ma série des Parents qui cuisinent où j’explore la façon dont l’arrivée des enfants façonne la cuisine de leurs parents. C’est la première fois que je donne la parole à l’enfant plutôt qu’au parent, et je suis reconnaissante à RF de partager ces souvenirs touchants de son enfance. J’espère que vous apprécierez autant que moi.

Profitez-en aussi pour découvrir les merveilleux livres de Laurie Colwin, et n’hésitez pas à partager vos propres souvenirs et astuces de cuisine pour et avec les enfants !

Entretien mené en anglais et traduit par mes soins.

Clotilde Dusoulier

Pouvez-vous nous dire en quelques mots le genre d’enfant que vous étiez, et le genre de mère de Laurie Colwin était ?

J’étais une enfant volontaire qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Une enseignante a un jour écrit sur mon bulletin que j’étais l’enfant le plus grand de ma classe et que ma mère m’appelait son « enfant viking ». Je ne sais pas si c’était en référence à mon héritage balte — bien que les Lettons n’aient jamais été vikings à ma connaissance — ou simplement parce que j’avais des manières et une stature un peu brusques, ce qui était d’ailleurs tout à fait vrai, je l’avoue.

Ma mère était une personne tout aussi décidée, et elle semblait heureuse d’avoir un enfant qui partageait ce trait de caractère, même lorsque nous étions en opposition sur des sujets tels que le contenu de ma boîte-repas pour l’école. Le dialogue était encouragé, mais je n’étais pas facile et je crois avoir souvent épuisé ma pauvre mère à râler, négocier ou piquer des crises.

J’adorais sa cuisine ; je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement. Elle aimait tellement ça, et y mettait tant de soin et d’attention. Les gens se pressaient à sa table, heureux de passer du temps avec elle pendant qu’elle cuisinait. Elle demandait souvent à ses convives de goûter ses plats et de donner leur avis sans filtre. Ce n’était pas une cuisinière qui en faisait des tonnes, ou qui gardait ses secrets pour elle : elle avait vraiment à coeur de partager ses plats, ses recettes et des conversations animées.

Pour autant, ce n’était pas toujours facile d’être l’enfant qui mange des « trucs bizarres ». Ma mère avait des avis très arrêtés sur ce qui était bon ou mauvais pour un enfant, et pour les gens en général, et elle ne transigeait pas là-dessus. Mes camarades de classe et mes copains du quartier étaient sans doute heureux de découvrir chez nous le pain d’épices, le saumon et les asperges, mais je leur enviais leurs Oreos, leur fromage américain en tranches et leurs « jus de fruits » fluorescents.

Il y a des fois où je voulais juste être comme les autres, avec des barres de céréales bourrées de chocolat dans ma boîte-repas plutôt qu’un kiwi, ou un sandwich au Wonderbread plutôt qu’au pain au levain de chez Bread Alone. J’arrivais quand même à remporter certaines batailles (les cuirs de fruit avec la Petite Sirène à gratter dessus), mais j’en ai perdu d’autres (pas de biscuits de supermarché !). J’ai donc continué à être l’élève de CP avec ses yaourts au lait de chèvre et son gouda fumé. Des années plus tard, une amie d’enfance m’a dit qu’elle avait toujours été jalouse de mes repas. « Moi je n’avais que des sandwichs au thon, m’a-t-elle dit, et éventuellement un yaourt. Toi, ce que tu mangeais était excitant ! » Elle avait raison.

Laurie Colwin et RF, deux ans, en 1986.

Laurie Colwin et RF, deux ans, en 1986.

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