Je reconnais que l’Épiphanie, c’est fini, mais il me semble que, la valeur religieuse de cette fête s’étant estompée, l’usage est maintenant de considérer qu’on peut tirer les rois jusqu’à la fin du mois de janvier. Même date de péremption que les voeux de la nouvelle année, donc. Après, ça fait un peu réchauffé, et les vrais amateurs de galette des rois la préfèrent à température ambiante.
Il y a quelques temps j’ai écrit un billet (en anglais) sur le petit cérémonial de la galette des rois, auquel je suis très attachée et qui me fait toujours retomber en enfance ; ma soeur et moi nous sommes cachées sous la table jusqu’à un âge inavouable.
Mais la nouveauté depuis quelques années, c’est que je fais ma galette moi-même.
Ma toute première galette des rois maison remonte à sept ans maintenant. Ça faisait un moment que ça me démangeait, mais je trouvais toujours que l’Epiphanie tombait trop tôt après les fêtes pour que je retrouve le courage de m’attaquer à un tel projet. Et puis un samedi de janvier 2010, comme on fêtait les quarante ans de mariage de mes parents (noces de rubis ou d’émeraude, selon la source) et que ma soeur, son mari et leur fils étaient de passage à Paris, c’était l’occasion idéale de tirer les rois en famille, et j’ai décidé que j’allais cette fois-ci faire la galette moi-même.
Pour tout vous dire, j’avais même l’ambition de faire la pâte feuilletée, selon la technique de la pâte feuilletée express, mais je n’ai pas trouvé le temps donc j’ai opté pour une pâte feuilletée toute faite. Mais pas n’importe laquelle : j’ai utilisé la pâte feuilletée François, fabriquée en Sologne à partir de farine de gruau, de beurre des Charentes, de sel et d’eau, à l’exclusion de tout autre additif ou conservateur. Je la trouve chez G. Detou (en dalle de 3 kilos, l’excédent étant congelé et/ou partagé) mais on peut aussi la commander sur leur site*.
A l’intérieur de la galette, de la crème d’amande, et non de la frangipane. On confond souvent les deux, donc petit rappel : la crème d’amande, c’est un mélange de beurre, de sucre, d’amandes et d’oeufs, en proportions à peu près égales. La frangipane, c’est de la crème d’amande à laquelle on a rajouté de la crème pâtissière. Les galettes des rois vendues dans le commerce sont souvent à la frangipane — le prix de revient est moindre, puisque l’amande est l’ingrédient le plus cher dans ce casting — mais je préfère les galettes à la crème d’amande simple. Je les trouve plus délicates et plus aromatiques, sans ce côté flan que donne souvent la frangipane. (Accessoirement, c’est une préparation de moins à réaliser.)
Pour la fève, j’avais pris soin de garder celle que Maxence avait gagnée une semaine auparavant, lorsque nous avions tiré les rois chez mon cousin. C’est une petite tour en porcelaine avec un toit assez pointu, ce qui ne paraît pas complètement idéal pour un truc à cacher dans un gâteau, mais je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin.
J’ai consulté de nombreuses recettes, visionné quelques vidéos dont celle-ci, et fusionné les enseignements que j’en avais tirés pour élaborer ma version, avec un peu de farine de noisette dans la garniture.
La fabrication de la galette n’est vraiment pas difficile : on étale la pâte en deux cercles, on garnit le premier de crème d’amande, on recouvre du second cercle, on dessine des décorations, on dore, et on enfourne.
En réalité, les seuls points un peu délicats sont les suivants : 1- ne pas oublier de mettre la fève dans la crème d’amande, sinon on a l’air malin, 2- arriver à déposer le second cercle bien centré sur le premier, 3- sceller correctement le haut et le bas, pour éviter que la garniture ne s’échappe à la cuisson, et 4- faire bien attention à ce que la dorure à l’oeuf ne goutte pas sur les bords de la pâte feuilletée, ce qui aurait pour effet d’empêcher le feuilletage de se développer correctement.
J’ai quand même bénéficié de l’aide de ma hotline galette personnelle, c’est-à-dire Pascale, à qui j’ai passé un coup de fil pour savoir si elle pensait que je pouvais préparer la galette la veille et la faire cuire le jour-même. Pascale m’a conseillé de l’assembler et de la mettre au congélateur, pour la glisser directement au four le jour J. Elle a même précisé que la pâte feuilletée lève mieux si elle a été congelée à un moment ou un autre.
Tout ça a fonctionné à merveille : je me suis levée le samedi matin, j’ai préchauffé le four, mis la galette dedans, et je me suis efforcée de faire autre chose pendant la cuisson (si on regarde trop la pâte feuilletée dans le four, ça l’intimide) pour mieux m’extasier devant ma galette, dorée, gonflée, merveilleuse.
Le vrai challenge dans l’histoire, c’est qu’il a ensuite fallu transporter la galette jusqu’à chez mes parents, en scooter. J’ai bricolé un carton à gâteau extrêmement élégant avec deux boîtes de céréales américaines (je suis en avance d’une tendance, vous verrez ça chez tous les pâtissiers cette année), déposé le tout dans le coffre sous la selle, et murmuré quelques paroles en direction d’Honoré d’Amiens, saint patron des pâtissiers.
Maxence s’est efforcé d’éviter les rues pavées, les trous et les bosses de la chaussée parisienne, et quoique notre neveu ait bondi sur nous dès la sortie de l’ascenseur, la galette est arrivée à bon port, intacte (c’est ça aussi, la magie de l’Epiphanie) et très appréciée de tous. Mon père a même déclaré que c’était la galette la plus goûteuse qu’il ait jamais mangée, et il avait dit quelque chose d’approchant de celle de Pierre Hermé il y a quelques années. (Bien sûr que si, ça compte, même quand c’est mon Papa qui le dit.)
Chance, karma ou coup de pouce ultime d’Honoré, il se trouve que c’est moi qui ai eu la fève, ce qui m’a permis de la mettre de côté pour la galette de l’année suivante : en effet, maintenant que je sais à quel point il est facile et gratifiant de la faire soi-même, je crains qu’il n’y ait pas de retour en arrière possible.
Si vous êtes tenté par l’aventure, vous avez jusqu’à la fin du mois pour vous lancer. Et si c’est un peu court, pas d’inquiétude, ce billet vous attendra bien au chaud pour l’année prochaine !
* A défaut, procurez-vous simplement de la pâte feuilletée pur beurre et lisez bien les étiquettes, pour éviter autant que possible les additifs et conservateurs. Celle de Picard est réputée être le meilleur choix dans sa catégorie.
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Ingrédients
- 500 g de pâte feuilletée pur beurre, décongelée le cas échéant (vous pouvez utiliser ma pâte feuilletée facile)
- 100 g de beurre doux, ramolli (sortez-le 1 heure ou 2 avant de commencer)
- 100 g de sucre (j'utilise du sucre de canne brut blond)
- 110 g de poudre d'amande
- 20 g de farine de noisette ou de poudre de noisette* (facultatif ; vous pouvez utiliser uniquement de la poudre d'amande, comme dans la galette classique, 130 g au total)
- 8 g (1 c.s.) de fécule de maïs (type Maïzena)
- une bonne pincée de sel
- 2 oeufs
- 1/4 c.c. d'extrait d'amande amère (ayez la main légère : si vous en mettez trop, ça devient vite immangeable)
- 1 c.s. d'eau de fleur d'oranger ou de l'alcool de votre choix, par exemple du Grand Marnier ou du rhum agricole
- 1 jaune d'oeuf
- 1 c.s. de sucre glace
- 1 fève en porcelaine ou un haricot séché
- 2 couronnes en papier
Instructions
- Travaillez le beurre jusqu'à ce qu'il soit pommade (c'est-à-dire crémeux), en évitant d'incorporer de l'air. Dans un saladier, mélangez le sucre, les amandes, les noisettes, la fécule et le sel. Mélangez avec un fouet pour éliminer les éventuels grumeaux. Ajoutez au beurre et mélangez jusqu'à ce que ce soit bien homogène. Ajoutez l'extrait d'amande amère, l'eau de fleur d'oranger, puis les oeufs, un par un, en mélangeant bien entre chaque ajout. Couvrez et mettez au frais au moins 1h.
- Divisez la pâte feuilletée en deux pâtons égaux, et étalez chaque pâton en un cercle un peu plus grand que 30 cm de diamètre. A l'aide d'un couteau bien aiguisé et d'une assiette retournée ou d'un plat de la bonne dimension, découpez un cercle bien net de 30 cm de diamètre dans le premier morceau, et un cercle légèrement plus grand (ajoutez, disons, 6 mm tout autour) dans le deuxième morceau.
- Mettez le plus petit des deux cercles sur une feuille de papier sulfurisé ou sur un tapis de cuisson en silicone. Dans un petit bol, battez le jaune d'oeuf avec 1 c.s. d'eau (ou de lait, si vous en avez sous la main). A l'aide d'un pinceau à pâtisserie, humectez le pourtour du cercle sur une largeur d'environ 2,5 cm. Faites bien attention de ne pas mouiller la tranche elle-même, sinon le feuilletage ne se développera pas aussi bien.
- Versez la crème d'amande au milieu et étalez-la uniformément à la spatule à l'intérieur du cercle de dorure ainsi dessiné.
- Placez une fève en porcelaine, ou un haricot sec, ou le petit objet de votre choix dans la crème d'amande -- non pas au centre, mais près d'un bord, sinon vous la heurterez quand vous découperez les parts. Si c'est une fève d'une forme alongée, orientez-la droit vers le centre de la galette pour minimiser la probabilité de tomber dessus à la découpe (comme vous voyez sur la photo ci-dessous, la mienne était légèrement penchée, et mon couteau a effectivement rencontré le sommet de la petite tourelle). Appuyez légèrement pour l'enfoncer dans la crème d'amande.
- Déposez le deuxième cercle de pâte bien centré par-dessus le premier, passez vos mains délicatement au-dessus de la crème d'amande pour éliminer les éventuelles poches d'air, et appuyez légèrement tout autour pour sceller.
- A l'aide du côté non coupant de la pointe de votre couteau, dessinez un motif sur la galette : un quadrillage de losanges, avec éventuellement des lignes doubles ou triples, une fleur... inspirez-vous des exemples ici, ici ou ici.
- J'ai choisi de faire le motif "soleil" dont Sébastien Gaudard fait la démonstration dans cette vidéo : on part du centre de la galette et on dessine un arc de cercle pour rejoindre le bord de la galette en un seul geste, le poignet souple. On tourne la galette de quelques degrés, on dessine un arc de cercle identique un peu décalé par rapport au premier rayon de soleil, et on continue pour recouvrir toute la galette.
- En tenant votre couteau à la verticale, lame vers le bas, et en utilisant toujours le côté non coupant, repoussez la pâte vers l'intérieur à l'endroit où chaque rayon de soleil se termine, pour créer un joli rebord festonné (facultatif).
- Badigeonnez légèrement le dessus de la galette avec la dorure à l'oeuf ; faites toujours attention à ce que la dorure ne goutte pas sur les bords de la galette, sinon le jaune d'oeuf va coller ensemble les couches de feuilletage et les empêcher de bien lever. Laissez reposer 1 minute, puis passez une deuxième couche légère de dorure. (Comme vous voyez sur la photo ci-dessous, ma dorure a eu tendance à s'accumuler tout autour du monticule de crème d'amande, ce qui a donné une coloration plus foncée à cet endroit à la cuisson ; ça ne me dérange pas plus que ça, mais je ferai plus attention la prochaine fois.)
- De la pointe du couteau, percez 5 trous dans la pâte -- un au centre et quatre tout autour, en visant dans les décorations -- pour permettre au feuilletage de lever de façon uniforme.
- Glissez le tout sur une plaque de four ou dans un moule à tarte à fond amovible, et mettez au frais 30 minutes. (Vous pouvez aussi congeler la galette à ce stade, en mettant la plaque ou le plat directement au congélateur, pour la faire cuire le lendemain. Je n'ai pas essayé de l'y laisser plus longtemps, mais je pense que vous pourriez préparer la galette jusqu'à une semaine à l'avance : une fois qu'elle est complètement congelée, mettez-la dans un sachet de congélation bien fermé pour éviter toute cristallisation.)
- Préchauffez le four à 180°C ; si la galette était au congélateur, retirez-la au moment d'allumer le four. Enfournez et laissez cuire 30 minutes (35 si elle était congelée), jusqu'à ce que la galette soit bien gonflée et brun-doré.
- Lorsque la galette est presque cuite, diluez la c.s. de sucre glace dans 1 c.s. d'eau très chaude (chauffé dans la bouilloire ou au four à micro-ondes). Lorsque la galette est cuite, retirez-la du four, badigeonnez le dessus de ce sirop, et remettez-la au four 1 minute ; cette étape permet d'avoir une galette bien brillante.
- Laissez refroidir complètement sur une grille (elle va se tasser un peu en refroidissant) et servez à température ambiante. (Si vous la préférez tiède, faites-la réchauffer légèrement au four avec de servir.)
Notes
Lisez ici pour en savoir plus sur cette farine de noisette. Si vous n'en avez pas, et si vous ne trouvez pas de poudre de noisette, vous pouvez aussi les réduire en poudre vous-même : mettez 20 g de noisettes mondées et 20 g du sucre utilisé dans la crème d'amande dans un blender ou un robot, et mixez par courtes impulsions jusqu'à ce que vous obteniez une poudre fine.
Ce billet a été publié pour la première fois en janvier 2010 et mis à jour en janvier 2017.