Cela fait à peu près huit ans que j’ai envie de faire mes propres crumpets, ces petites crêpes levées que l’on sert, grillées et beurrées, à l’heure du thé en Angleterre. Je le sais, parce que c’est à cette époque que j’avais glissé, dans mon classeur à recettes ventru, le petit papier mauve sur lequel j’avais recopié la recette trouvée dans un des magazines féminins auxquels ma grand-mère était alors abonnée.
Seulement, cette recette utilisait de la levure de boulanger, et je n’avais pas encore surmonté mon anxiété à son endroit, donc la recette a hiberné sous l’onglet « divers » pendant plusieurs années, avant d’être finalement sacrifiée lors d’une campagne de dégraissage dudit classeur.
Et puis l’idée a refait surface il y a quelques mois, lorsque j’ai appris sur le site de King Arthur Flour, une marque américaine d’ingrédients et d’équipement pour la pâtisserie, que l’on pouvait faire des crumpets au levain naturel.
Ces crumpets ont tout ce qu’il faut là où il faut : les petites alvéoles pour recueillir ce qu’on tartine dessus, le pourtour bien croustillant, l’intérieur moelleux, et la petite note aigrelette au palais.
Mieux encore, il s’agit du type de recette dont les pratiquants du levain naturel rêvent la nuit, puisqu’elle permet de mettre à profit l’excédent de levain que produit son entretien régulier*. Il suffit de garder cet excédent au frais dans un récipient hermétique — j’ai recyclé pour cela un pot de fromage blanc — jusqu’à ce qu’on en ait accumulé environ 270 grammes (240 ml), ce qui prend environ trois « repas » de mon levain. On ajoute alors un peu de sucre, de sel et de bicarbonate de sodium, ce qui forme une belle pâte mousseuse que l’on fait cuire à la poêle, comme des pancakes.
Il m’a fallu quelques essais pour arriver au résultat que je voulais — il fallait que j’ajuste la bonne température de la poêle et la bonne quantité de pâte pour chaque crumpet, et que je comprenne qu’il fallait absolument préchauffer les cercles pour éviter qu’ils ne restent collés aux crumpets — mais maintenant que j’ai pris le coup de main, mes crumpets sont un délice : les petites alvéoles pour recueillir ce qu’on tartine dessus, le pourtour bien croustillant, l’intérieur moelleux, et la petite note aigrelette au palais.
Je me suis procuré des cercles à crumpets (9 cm de diamètre et 2,5 cm de haut) mais on peut aussi faire sans, ou recycler des petites boîtes de conserve format boîte de thon dont on aura ouvert le haut et le bas (vérifiez bien que les boîtes que vous achetez peuvent être ouvertes des deux côtés, ce n’est pas toujours le cas).
Le crumpet se déguste traditionnellement dans l’après-midi, mais je l’aime aussi le matin au petit déjeuner — particulièrement avec du beurre d’amande et des lamelles de poire — et comme il n’est finalement ni sucré ni salé, c’est tout aussi bon avec un morceau de comté fruité et un bol de soupe.
Quelle que soit l’occasion, le passage au grille-pain n’est pas négociable. Et comme ça se congèle très bien, on peut en garder en réserve au cas où une tête couronnée d’outre-Manche s’inviterait à l’improviste pour le thé.
[Note : on peut bien sûr faire des crumpets sans levain, avec de la levure de boulanger, comme dans cette recette (voir aussi le pas à pas) ou cette recette, toutes deux en anglais. Pour une recette en français, un petit tour sur votre moteur de recherche favori devrait vous en livrer un nombre certain ; méfiez-vous simplement de la dose de levure qui est indiquée, elle paraît souvent disproportionnée par rapport à la quantité de farine.]
* Le levain a besoin d’être nourri de son poids en farine et de son poids en eau, quotidiennement si on le garde à température ambiante, une fois par semaine s’il vit au réfrigérateur. Si on en gardait la totalité à chaque fois, le levain croîtrait de façon exponentielle, en triplant à chaque repas : il faudrait alors de plus en plus de farine pour le maintenir en vie, ce qui serait au bout du compte très coûteux et peu pratique. La solution est donc de retirer une bonne partie du levain avant chaque repas, en ne gardant qu’une à deux cuillerées à soupe. Certains choisissent de jeter cet excédent de levain, mais beaucoup préfèrent le garder au frais et l’utiliser dans leurs pâtes à crêpe, gâteaux, clafoutis, pâtes à pizza, ou pour ces crumpets. On peut aussi le donner, si on a dans son entourage quelqu’un qui veut se mettre à la boulange. Pour en savoir plus, reportez-vous à ce billet sur le pain au levain naturel.