Lors de mes conversations avec mes amis et mes lecteurs, j’ai souvent recueilli des témoignages du type, « Ohlala, moi la viande, j’y connais rien, rien que l’idée de rentrer dans une boucherie, ça me paralyse ! »
Que ce soit un simple « louchébem » de quartier ou une boutique plus sophistiquée comme il en a ouvert à Paris récemment, acheter sa viande chez le boucher peut effectivement être une expérience un peu intense : il faut tout à la fois décider ce qu’on veut (souvent on n’en sait rien), rebondir sur les blagues du garçon boucher (ils ont de l’humour, c’est la tradition), et repousser l’air de rien la petite dame qui vous colle sa charrette et la truffe de son chien dans les mollets (vous la connaissez aussi ?).
Mais pour rien au monde je n’échangerais cette expérience contre les barquettes en polystyrène du supermarché : je préfère manger moins de viande moins souvent, mais acheter la qualité et la traçabilité.
À ce sujet, je suis ravie de vous faire part de la naissance d’une nouvelle boucherie durable à Paris : Benjamin Darnaud, que vous connaissez peut-être de la saison 1 de Top Chef, vient d’ouvrir Viande & Chef dans le 10ème arrondissement. Il achète ses carcasses entières à de petits éleveurs, et son équipe se donne pour mission d’utiliser avec talent absolument toutes les parties de l’animal, plutôt que de fournir une quantité disproportionnée des morceaux les plus prisés. Cette approche nose-to-tail (« du nez à la queue ») signifie qu’ils peuvent ne pas avoir exactement que vous cherchez ce jour-là, mais ils se rattraperont en vous faisant découvrir un truc obscur mais délicieux. (Nous les remercions de leur accueil pour la prise de vue ; crédit photo : Anne Elder.)
Et voici, sans plus tarder, mes 6 conseils pour acheter votre viande comme un boss.
1. Connaissez les différents morceaux (ou pas)
Le boucher traditionnel vend une large gamme de viandes : boeuf, veau, agneau, porc, volaille, lapin, et gibier en saison (de fin septembre à fin février). On peut les acheter sous forme de morceaux « bruts » ou de préparations maison prêtes à cuire : saucisses, rôtis farcis, brochettes marinées, viande hachée assaisonnée, palets panés, etc.
Il est toujours bon de connaître quelques noms de morceaux et comprendre la différence entre ceux qui sont tendres et qui seront à poêler rapidement, ceux qui sont plus coriaces et qui doivent cuire doucement et longtemps, et ceux qui sont gélatineux, donnant à vos plats mijotés un soyeux incomparable. Une recette bien écrite (suivez mon regard) vous donnera des exemples de morceaux appropriés, et on peut souvent faire des substitutions.
Mais pour tout vous dire, même les cuisiniers les plus expérimentés y perdent parfois leur latin, et n’ont absolument aucun scrupule à demander conseil à leur boucher selon le plat ou la recette qu’ils ont en tête. S’ensuit alors une discussion animée sur les mérites respectifs de l’araignée et du merlan (deux très bons morceaux à griller).
2. Laissez-les faire le sale boulot
Si vous n’adorez pas manipuler la viande crue, bonne nouvelle : le boucher se fait un plaisir de la préparer pour vous, ça fait partie de sa valeur ajoutée : il retirera les petits morceaux superflus de graisse, de peau ou de nerf ; il videra votre volaille, lui coupera la tête, brûlera au chalumeau les dernières traces de plumes, et éventuellement vous l’ouvrira en crapaudine ; pré-découpera les côtes de votre carré d’agneau (sinon, bonne chance !) ou coupera vos cuisses de poulet à la jointure ; quadrillera le gras du magret de canard ; tranchera la viande du carpaccio ; roulera et ficelera votre rôti ; et même découpera votre viande en cubes de la taille de votre choix pour un plat en cocotte. Tout ce qu’il vous restera à faire, c’est cuire et servir ; vous n’aurez même pas sali votre planche à découper.
3. Remettez-vous en à leur expertise
Si vous ne savez pas trop quelle quantité de viande prendre pour nourrir vos invités, ou si vous n’avez jamais cuisiné d’épaule d’agneau, le boucher peut vous aider : il vous recommandera un poids par personne en fonction du morceau, et vous donnera des instructions de base pour une cuisson simple, parfaites pour un débutant ou pour vous rafraîchir la mémoire.
Et comme la plupart des préparations sont faites maison, vous pouvez poser des questions sur leur saveur ou les ingrédients mis en oeuvre (surtout si vous avez des allergies ou d’autres contraintes alimentaires), et combien de temps les produits se garderont.
4. Passez commande
Si vous avez quelque chose de précis en tête, n’hésitez pas à appeler un ou deux jours à l’avance pour passer commande. C’est particulièrement vrai pour les morceaux recherchés comme la joue de boeuf ; pour la viande hachée autre que la viande de boeuf (le boucher a généralement un seul hachoir qu’il utilise pour les steaks hachés, et pour des raisons d’hygiène il doit le nettoyer entièrement quand il passe d’une viande à une autre, donc il fait ça en dehors des horaires d’ouverture) ; pour réserver votre poulet rôti du dimanche midi (on peut se contenter d’appeler le matin-même).
Dans le doute, passez un coup de fil : vous gagnerez du temps parce que votre commande sera toute prête, et ça vous fait passer du côté des clients fidèles à qui on réserve les meilleures morceaux et les meilleures blagues.
5. Ne négligez pas le reste de la gamme, mais attention aux achats impulsifs
En plus de la viande crue, le boucher traditionnel vend de la charcuterie : du jambon blanc et du jambon cru, du saucisson et des saucisses sèches, de la poitrine fumée, différentes sortes de pâtés et terrines, et diverses spécialités en fonction de sa région d’origine ou de prédilection. Certains de ces produits sont faits sur place (généralement le jambon et les terrines), d’autres sont achetés auprès d’autres artisans. Faites-le vous préciser au besoin.
Si vous voulez vous simplifier la vie et acheter tout votre repas en une seule étape, regardez si les salades maison (carottes râpées, céleri rémoulade…) ont bonne mine, et pensez aux pommes de terre qui ont confit sous les poulets dans la rôtissoire. C’est plus cher au kilo que ce que vous pourriez faire vous-même, bien sûr, mais ça dépanne.
En revanche, si vous êtes tenté par les produits d’épicerie fine présentés sur les étagères (moutardes, légumes en bocaux, les chips les plus chères du monde) vérifiez bien les prix pour éviter les mauvaises surprises.
6. Mangez ou congelez
La viande achetée dans une bonne boucherie est d’une fraîcheur optimale, mais prévoyez de la manger dans les deux ou trois jours qui suivent (24 heures pour les abats), selon les conseils du boucher.
Si vous voyez que votre organisation ne vous le permettra pas, ou si vous ne rendez visite qu’occasionnellement à votre boucher préféré, vous pouvez congeler la viande : emballez-la bien (certains bouchers proposent de la mettre sous vide) et conservez-la au congélateur deux à trois mois (au-delà, ça reste consommable, mais on perd en saveur et en texture).
Mon Top 5 des Boucheries parisiennes
- Viande & Chef : la boucherie durable de Benjamin Darnaud.
- Terroirs d’Avenir : la crème de la crème des ingrédients vendus dans quatre mini-boutiques, y compris une boucherie.
- Marché des Batignolles : sur ce marché du samedi matin, plusieurs stands sont tenus par des bouchers-éleveurs bio.
- Maison Plisson : cette épicerie de luxe inclut un très beau comptoir de boucherie avec une équipe qui travaille les produits sur place.
- Boucherie Sautereau / Le Bourdonnec : Yves-Marie Le Bourdonnec est connu pour les techniques de vieillissement qu’il applique à des viandes bien élevées. Il a plusieurs magasins à Paris ; celui-ci est tenu par un de ses disciples.
Vous trouverez ces boucheries sur la carte de mes adresses préférées à Paris.
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Et vous, les boucheries, ça vous intimide ? Où avez-vous l’habitude d’acheter votre viande, et êtes-vous satisfait de cet arrangement ?