Quand on invite des amis à dîner et qu’on ébauche le menu, la première préoccupation devrait être à mon humble avis le réalisme. L’idée, c’est d’équilibrer les différents plats en terme de goût et de style, mais aussi et surtout du point de vue de la charge de travail — d’autant que, même quand on n’a pas les deux mains dans la même manique, les choses prennent toujours plus de temps qu’on ne croit.
Alors si je prévois un plat principal un peu élaboré, j’en déduis que j’aurai moins de temps et d’énergie à consacrer au reste, et mon joker dessert est souvent le crumble. (Le trifle aussi, mais on en reparlera un autre jour.)
Un crumble, ça demande très peu d’effort (on prépare la pâte à crumble, on coupe les fruits, on saupoudre, et zou, on enfourne), ça se porte en toute saison (on fait avec les fruits disponibles au marché), ce n’est pas capricieux sur le timing (on peut faire la pâte à crumble la veille, cuire le tout dans l’après-midi, et réchauffer juste avant de servir), et surtout, tout le monde aime ça : c’est un modèle de douceur, de réconfort et de simplicité, et même ceux qui ne se resservent jamais jamais sont susceptibles d’être surpris la cuiller dans le plat qu’ils rapportaient gentiment à la cuisine.
La recette d’aujourd’hui est adaptée du livre The Last Course, de Claudia Fleming, dont je parlais dans mon meilleur de 2009 et qui est malheureusement épuisé.
Elle y apparaît sous la forme d’un Spiced Italian Prune Plum Crisp (croustillant* de prunes italiennes aux épices, l’Italian prune plum en question étant manifestement une prune un peu quetsche) et j’étais très intriguée par la pâte à crumble, parfumée à la cannelle et à la cardamome, et dont les proportions étaient assez différentes de ma formule habituelle.
La recette utilise notamment du beurre fondu, au lieu du beurre froid que l’on sable habituellement du bout des doigts dans les ingrédients secs. Et depuis que nous avons appris à vivre sans micro-onde, je fais fondre le beurre de deux façons : soit je mets à profit l’énergie du four qui préchauffe, comme décrit ici, soit je le fais fondre dans une casserole, à l’ancienne, quoi. Et quand je choisis cette deuxième méthode, ça ne rate jamais, je suis tentée de pousser le bouchon un cran plus loin, et faire un beurre noisette.
En effet, du beurre fondu au beurre noisette il n’y a qu’un pas — quelques minutes de cuisson supplémentaires au-delà de l’ébullition — récompensé par un beurre au goût plus complexe et plus intense, que l’on peut ensuite utiliser normalement.
Il faudra que attendre encore quelques mois pour faire l’essai avec des quetsches, mais en attendant, la version beurre-noisettisée de cette pâte à crumble (que j’ai par ailleurs modifiée pour utiliser de la farine de noisette, un peu moins de sucre, et ajouter du sel et du poivre) est délicieuse sur des pommes (je prends généralement un mélange de canada et de golden pour mes crumbles), et devrait être tout aussi convaincante sur de la rhubarbe, des pêches, des abricots ou des mangues.
Un mot sur la cardamome : la recette d’origine préconise d’utiliser 1/8 c.c. de cardamome en poudre, mais comme la cardamome s’évente vite une fois moulue, je préfère stocker des gousses entières (seules dans un bocal super ultra hermétique, sinon tout le placard sent la cardamome et c’est affreux) et moudre les graines à la minute, dans un mortier miniature acheté dans un vide-grenier à l’époque où j’habitais en Californie.
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* Les américains utilisent aussi le terme crisp (croustillant) pour désigner une préparation de type crumble. Certains disent qu’un crisp devient un crumble dès lors que la pâte contient des flocons d’avoine, d’autres disent que c’est l’inverse, et ceux qui ne se prononcent pas utilisent les deux termes de façon interchangeable.