J’ai grandi dans une maison où les chuchotis et sifflements de la cocotte minute étaient des mélodies familières.
Ma mère utilisait un grand modèle d’autocuiseur — c’est le terme générique, « cocotte minute » étant une marque déposée, utilisée par antonomase comme un nom commun — et je crois me souvenir qu’elle s’en servait essentiellement pour faire cuire des légumes, et en particulier les pommes de terre, les artichauts, ou le chou-fleur pour son gratin.
En ce qui me concerne, je m’en suis longtemps passée, jusqu’à ce que les grands-parents de Maxence vendent leur maison de campagne et me proposent de récupérer une partie de leur batterie de cuisine, dont l’énorme cocotte minute qui avait servi a nourrir toute une génération de petits-enfants.
Je l’aimais beaucoup, mais je me suis vite rendue compte qu’elle n’était pas à la bonne taille pour moi : d’une capacité de dix litres (!), elle était à la fois trop grande pour les quantités que je cuisine habituellement, et trop large pour tenir dans mon petit évier quand venait le moment de la laver.
Du coup, coincée entre ces considérations pratiques et l’attachement sentimental que je lui portais, j’ai laissé la pauvre bête prendre la poussière pendant un certain temps.
Et puis un jour, j’ai décidé que cette situation était absurde sur le plan cosmique : ce dont j’avais besoin, c’était d’une cocotte minute plus petite, et quelqu’un quelque part avait sûrement besoin de ma grande. Pourquoi s’obstiner à bloquer le flot naturel des objets dans l’univers ?
Une fois la décision prise, rien de plus facile : en moins d’un mois, grâce à un site d’enchères bien connu, j’avais fait l’acquisition d’une cocotte-minute d’occasion de 4,5 litres (un format adorable quand on est habitué aux plus grands) et trouvé un heureux acheteur pour la mienne*.
Et pourquoi suis-je particulièrement attirée par l’objet, me demandez-vous ? Eh bien, parce que la cuisson à l’autocuiseur est l’une des plus économes en énergie, voilà pourquoi : lorsque l’on met la cocotte à chauffer, la pression à l’intérieur augmente, ce qui fait monter à son tour la température d’ébullition de l’eau, qui passe ainsi de ~100°C à ~120°C. Dans cet environnement, les aliments cuisent considérablement plus vite et avec moins d’eau que dans une casserole classique.
On peut certes utiliser la cocotte minute pour toutes sortes de plats — des viandes mijotées, des risotti, des soupes, des compotes — mais j’utilise la mienne principalement pour faire cuire les céréales et les légumineuses, en un tiers du temps qu’il faudrait normalement. Et ma petite cocotte mignonne est exactement à la bonne taille pour ça, puisqu’elle me permet d’en faire cuire environ 500 grammes à la fois : j’utilise ce dont j’ai besoin tout de suite, et je congèle le reste en portions.
Les détails peuvent changer selon les modèles, mais on procède généralement ainsi : on met les aliments et l’eau de cuisson dans la marmite, en évitant de la remplir à plus de la moitié (c’est important pour éviter que la soupape de sécurité ne soit obstruée).
On scelle le couvercle et on met la cocotte à chauffer sur feu vif. Dès que la pression cible est atteinte, la soupape se met à siffler en tournant sur elle-même : il faut alors baisser le feu — inutile d’augmenter encore la pression, la soupape la dissiperait — et commencer à décompter le temps de cuisson.
Comme j’utilise des plaques électriques qui restent chaudes longtemps, et comme les aliments continuent de toutes façons de cuire dans la cocotte fermée, j’éteins le feu une dizaine de minutes avant la fin de la cuisson, pour économiser un peu plus d’énergie.
Une fois que les aliments sont cuits, on retire la cocotte du feu et on fait chuter la pression selon les instructions du fabricant : dans mon cas, je mets une manique et je retire la soupape du couvercle d’un geste déterminé, ce qui provoque un jet de vapeur digne des plus belles locomotives. Evidemment, cette vapeur est extrêmement chaude, donc il faut s’en tenir soigneusement éloigné. Lorsque le jet de vapeur s’amenuise puis s’arrête, on peut ouvrir le couvercle.
Bien sûr, avec ce système, il est impraticable de vérifier l’avancement des choses en cours de cuisson, donc on peut avoir besoin d’un peu de temps au début pour se familiariser avec sa cocotte et développer l’intuition qui permet de bien s’en servir, mais ça vient très vite.
En France, le leader de l’autocuiseur est SEB — à qui appartient d’ailleurs la marque Cocotte minute — et il n’est sans doute pas superflu de préciser que la fabrication se fait encore dans l’usine de Selongey en Bourgogne.
Ma mère a acheté la sienne le 11 mars 1970, tout juste deux mois après avoir épousé mon père — je le sais parce qu’elle m’a donné le livre de recettes qui allait avec, et qui porte un tampon du Bazar de l’Hôtel de Ville avec la date d’achat — et cette cocotte minute est toujours en service aujourd’hui, bien qu’elle vive depuis peu dans la maison de vacances de mes parents dans les Vosges, ma mère ayant dû la remplacer par une version compatible induction pour aller avec ses nouvelles plaques.
Avec une telle longévité associée à ce modèle, je n’ai pas hésité à acheter une cocotte d’occasion : tout comme les yaourtières ou les appareils à raclette, il y en a énormément en circulation qui ne servent à personne, donc j’aime autant contribuer à les mettre à profit. Le seul élément qu’il faille remplacer au bout d’un moment, c’est le joint d’étanchéité du couvercle, mais il y en a pour quelques euros, une fraction du prix d’une cocotte neuve.
Et vous ? Avez-vous une cocotte minute, vous en servez-vous, et qu’aimez-vous cuisiner avec ?
* Pour les curieux : j’ai acheté la petite à 10,50€, et vendu la grande à 21,50€.