Nous avons tous nos ingrédients-sirènes, de ceux qui nous interpellent de leur voix de miel depuis les pages d’un livre — ou d’un blog — de cuisine et nous ensorcellent au point que, mûs par une force irrésistible, nous nous précipitons aux fourneaux pour tester la recette toutes affaires cessantes.
Allez savoir pourquoi, la semoule de maïs est l’une de mes sirènes personnelles, et elle exerce sur moi une attraction particulière lorsqu’elle se glisse dans des recettes sucrées*. En témoigne la rapidité stupéfiante avec laquelle j’ai mis à exécution cette recette de biscuits, trouvée la semaine dernière sur le blog d’une Canadienne un peu italienne, Cream Puffs in Venice.
Les crumiri, parfois orthographiés krumiri, sont des sablés originaires du Piémont. L’étymologie en est assez brumeuse : crumiro signifie briseur de grève en italien, donc je ne vois pas le rapport, et si certains expliquent que le nom vient de celui d’une liqueur tunisienne appelée krumiro ou krumiria (comme la région du Maghreb, j’imagine) que le pâtissier-inventeur sifflait avec entrain, les sources d’information se tarissent vite. Mais laissons cela.
Ces biscuits peuvent prendre des formes diverses, mais ils présentent généralement des cannelures créées par la grâce d’une poche à douille munie d’un embout en étoile. Hélas, je suis une mauvaise ouvrière avec de mauvais outils, et ma poche à douille de pochette surprise n’a pas résisté aux assauts d’une pâte aussi épaisse**. Après une lutte courte mais très énervante, j’ai dû me résigner à former des sortes de sections de boudin.
Ce léger désagrément mis à part, ces sablés sont exactement mon genre : croquants puis fondants, ils offrent aux dents du fond la résistance croustillante de la semoule de maïs, et au palais une saveur délicate et pas trop sucrée. Et puis, comme leur affinité régionale le laissait supposer, ces crumini font des étincelles auprès d’une petite boule de glace au Nutella maison***.
La recette proposée par Ivonne vient d’un livre écrit par un prêtre italien et intitulé Italian Baking Secrets ; je l’ai modifiée pour diminuer légèrement les quantités de beurre et de sucre. Si vous voulez tenter votre chance avec cette histoire de cannelure, tâchez de vous équiper d’une poche à douille de qualité professionnelle ; c’est en tout cas ce que je vais faire.
* Si vous partagez mon enthousiasme, je vous recommande vivement ma recette de shortbread, ou ces macarons maïs violette.
** Et pourtant, il est indispensable qu’elle soit épaisse, sinon les cannelures ramolissent et s’affaissent au four, et on n’a plus que ses yeux pour pleurer.
*** Oui : avant de devenir une substance de renommée internationale pleine de graisses hydrogénées, le Nutella était une spécialité piémontaise appelée pasta gianduja.