J’ai reçu il y a peu un message d’une lectrice nommée Yolene, qui me suggérait d’écrire un billet qui ferait la lumière sur certains ingrédients américains un peu mystérieux, et faciliterait ainsi la tâche des français qui veulent utiliser des recettes d’outre-Atlantique.
J’ai trouvé l’idée excellente — je suis toujours preneuse d’idées excellentes, n’hésitez pas ! — et voici donc quelques éléments de réponse. Si vous pensez à d’autres ingrédients américains non mentionnés ici, n’hésitez pas à me les suggérer en commentaire !
Remarque préliminaire : même si c’est (enfin) en train de changer (lentement mais sûrement), les Américains mesurent majoritairement leurs ingrédients en volume, avec des cups ou tasses (1 cup = 240 ml) et des spoons ou cuillères (1 tablespoon = 15 ml, 1 teaspoon = 5ml).
Historiquement, à l’époque où il n’y avait aucune chance que la ménagère dans son ranch dispose d’une balance précise, c’était un système acceptable. Néanmoins, il introduit un biais énorme pour les très nombreux ingrédients qui n’occupent pas le même volume selon qu’on les tasse un peu, beaucoup, ou pas du tout, et selon l’humidité ambiante, l’âge du capitaine, etc. Et maintenant que les balances digitales sont devenues plus abordables (surtout aux Etats-Unis, où l’électroménager premier prix est incroyablement bon marché), on ne peut que recommander leur usage.
Et effectivement, de plus en plus de livres, magazines, et sites américains donnent maintenant leurs listes d’ingrédients à la fois en volume et en poids. Mis à part les recettes de chefs, à qui il n’a pas échappé que le système métrique, il n’y a que ça de vrai, les poids sont souvent exprimés en livres (pounds/lb) et en onces (ounces/oz), que vous convertirez sans mal avec le site ou widget de votre choix, même si c’est un peu fastidieux.
Pour les recettes qui seraient exprimées en volume uniquement, je vous renvoie à ma liste de conversions constituée au fil des années.
Les ingrédients américains décodés !
Apple sauce
C’est tout simplement de la compote de pomme, peu sucrée en général, avec ou sans épices. Les Américains sont susceptibles de la faire eux-mêmes, surtout s’ils ont des pommiers, auquel cas ils en feront des bocaux. Dans la culture juive, on la sert traditionnellement avec les latkes (galettes de pomme de terre) par exemple. Celle qu’on achète au supermarché est très finement passée, de telle sorte qu’elle est complètement lisse.
Dans les recettes de pâtisserie, elle est souvent utilisée dans les recettes où l’auteur a cherché à diminuer la quantité de matière grasse utilisée, comptant sur l’applesauce pour donner du moelleux (par contre, le gâteau se gardera moins bien). Vous pouvez utiliser une compote de pomme maison bien moulinée, ou en acheter au supermarché ou en magasin bio, à condition de la prendre sans morceaux.
Baking powder, baking soda
Il s’agit respectivement de levure chimique (qu’on appelle aussi parfois levure alsacienne) et de bicarbonate de sodium (qu’on peut acheter en pharmacie si on n’en trouve pas au supermarché, à côté de la levure). Les recettes américaines de pâtisserie utilisent souvent les deux combinés. Un sachet standard de levure chimique française (11 g) correspond à 1 tablespoon.
Butter
Le beurre utilisé en Amérique du Nord est généralement du beurre doux (unsalted ou sweet butter). Le beurre salé (salted butter) a mauvaise réputation parce que le taux de sel varie d’une marque à l’autre, et qu’il est souvent associé à du vieux beurre qu’on a salé pour qu’il se garde plus longtemps. Les connaisseurs préfèrent donc prendre du beurre doux et lui ajouter la quantité de sel nécessaire.
Le beurre est vendu en sticks, des petits paquets parallélépipédiques de 4 onces (113 g), ce qui correspond à 1/2 cup ou 8 tablespoons de beurre (l’emballage porte d’ailleurs 8 petites graduations). Une tablespoon de beurre correspond donc à 14 g.
Le beurre ordinaire américain a un taux de matière grasse de 80%, là où la règlementation française requiert un taux minimum de 82% (et 84% pour le beurre de tourage utilisé pour le feuilletage). Dans la plupart des cas, cette différence est négligeable. Mais si la proportion de beurre utilisée dans une recette est importante et qu’on veut être super précis, il faudra utiliser un peu moins de beurre et compenser avec quelques grammes d’eau en plus.
Certaines recettes utilisent du European-style butter, qui a alors un plus fort taux de matière grasse et, souvent, un goût plus riche et fleuri, plus proche de celui du beurre français.
Chocolate
Bien que le pourcentage de cacao soit de plus en plus souvent indiqué dans les recettes, vous rencontrerez aussi les termes suivants :
– Unsweetened chocolate : du chocolat à 99 ou 100% de cacao, c’est-à-dire sans sucre du tout. On en trouve difficilement en France, donc il faut le remplacer par du chocolat noir, et calculer 1) combien il en faut pour faire la même quantité de cacao et 2) combien de sucre ça représente, pour diminuer d’autant la quantité de sucre de la recette*.
– Bittersweet chocolate : la règlementation américaine ne requiert qu’un minimum de 35% de liqueur de cacao pour cette appellation, mais il s’agit en général de chocolat noir à 60% de cacao.
– Semi-sweet chocolate : même règlementation que pour le bittersweet, mais il s’agit en général de chocolat à 50% de cacao.
– Sweet chocolate : un chocolat à faible pourcentage de cacao (moins de 50%), sans que ce soit du chocolat au lait (pas d’ajout de poudre de lait).
– Milk chocolate ou white chocolate : pas de difficulté particulière, il s’agit de chocolat au lait ou de chocolat blanc.
Et aussi :
– Dutch-process cocoa powder ou unsweetened cocoa powder : c’est de la poudre de cacao non sucrée comme on en trouve pour faire du chocolat chaud. La mention « Dutch-process » désigne le procédé de fabrication, qui rend le cacao moins acide (et accessoirement plus noir), mais tous les cacaos en poudre vendus en France sont fabriqués comme ça. Si la recette demande du cacao « natural » (qui n’est donc pas « Dutch-processed »), utilisez votre cacao ordinaire sans trop d’inquiétude.
– Cacao nibs : ce sont les éclats de fève de cacao.
Corn or potato starch
C’est de la fécule (c’est-à-dire de l’amidon) de maïs ou de pomme de terre, qu’on trouve facilement au supermarché en France, du côté de la farine ; la marque de fécule de maïs la plus répandue est Maïzena. A ne pas confondre avec la farine de maïs (corn flour).
Corn syrup
Il s’agit du sirop de maïs, qui a mauvaise presse aux Etats-Unis parce qu’il est caché partout dans sa version « high-fructose » et qu’on l’accuse du coup d’être un facteur d’obésité. Mais le sirop de maïs ordinaire est un sucre inverti qui, utilisé judicieusement, empêche la cristallisation du sucre et permet donc d’obtenir des consistances souples, quand on fait de la confiserie ou des glaces par exemple.
On en trouve en épicerie asiatique (en particulier coréenne), ou on peut utiliser du glucose à la place (acheté dans les magasins qui fournissent aux professionnels, comme G. Detou à Paris). A défaut, vous pouvez utiliser du miel liquide ou du sirop d’érable, de riz, d’agave, etc. mais ils n’auront pas cette même propriété anti-cristallisante.
Cornmeal
C’est de la semoule de maïs, utilisée notamment pour faire du corn bread. On en trouve en magasin bio ou en épicerie italienne (c’est ce qu’on achète pour faire la polenta) ; attention à ne pas en prendre de l’instantanée, qui est pré-cuite. Selon que la recette précise « fine-grind » ou « medium-grind », il faudra choisir de la semoule de calibre fin ou gros. A ne pas confondre avec la farine de maïs (corn flour).
Cream
Le rayon crème des supermarchés américains propose les produits suivants qui tous, à l’exception de la sour cream, sont sous forme liquide :
– Half-and-half (littéralement, « moitié-moitié ») : un mélange à 50/50 de lait entier et de crème légère, ce qui donne un pourcentage de matière grasse de 10 à 18%. On peut la remplacer par la crème liquide légère (15% M.G.) qu’on trouve en France.
– Light cream (crème légère) : une crème à 18-30% de matière grasse. On peut la remplacer par la crème liquide légère (15% M.G.) ou ordinaire (30% M.G.) qu’on trouve en France, voire un mélange des deux si on a.
– Sour cream (crème aigre) : une crème légèrement fermentée (donc un peu acide), à 18% de matière grasse. On peut la remplacer par du fromage blanc (20% M.G.) ou de la crème fraîche épaisse légère (15% M.G.).
– Whipping cream (crème à fouetter) : une crème à 30-36% de matière grasse. On peut la remplacer par de la crème fleurette (30% M.G.).
– Heavy cream (crème « lourde ») : une crème à 36-40% de matière grasse. On peut la remplacer par de la crème fleurette (30% M.G.) si elle doit être fouettée, ou sinon par de la crème fraîche épaisse à 35-40% de matière grasse.
Cream cheese
Il s’agit d’un fromage frais nature à base de lait de vache, relativement peu salé (300 mg de sodium pour 100g) et assez riche (33% de matière grasse), qui s’utilise comme tartinade ou dans la pâtisserie (notamment les cheesecakes et le glaçage des cupcakes et du carrot cake).
La marque la plus répandue est Philadelphia, et elle est distribuée depuis peu dans les supermarchés français (mais avec un taux de matière grasse de seulement 25%). A défaut, on peut utiliser un fromage frais à tartiner type Saint-Morêt, quoiqu’il contienne en général encore moins de matières grasses (18%) et deux fois plus de sel (600 mg de sodium pour 100g).
Cream of tartar
Cette crème de tartre (ou bitartrate de potassium), issue du processus de vinification, est un des ingrédients de la levure chimique. Aux Etats-Unis, elle est aussi vendue à part, sous la forme d’une poudre blanche qui est par exemple utilisée pour favoriser et stabiliser la montée des oeufs en neige. En France, on peut se la procurer dans certains magasins bio ou pharmacies, et dans les magasins pour professionnels type G. Detou, ou bien on peut (s’) en (faire) rapporter un flacon des Etats-Unis et en avoir pour toute une vie. A défaut, on utilisera quelques gouttes de jus de citron ou de vinaigre blanc.
Eggs
Les recettes américaines précisent en général le calibre des oeufs à utiliser, et le plus courant est le « large », ce qui correspond à un poids entre 2 et 2,25 onces, soit 57-64 g. En France, les oeufs « moyens » doivent faire entre 53 et 63 g, donc c’est le calibre le plus proche. Mais j’avoue que j’ai généralement sous la main des « gros » oeufs (qui doivent peser entre 63 et 73g), et je les utilise sans problème.
Notez en passant que le jaune (yolk) des oeufs américains est généralement jaune vif (plutôt qu’orange) et leur coquille bien blanche (plutôt que brun rose), mais ça ne change rien.
Flour
Ah, la farine, question épineuse entre toutes ! Les variétés de blé cultivées aux Etats-Unis et en France sont très différentes, et la farine américaine est significativement plus riche en protéine et en gluten (on dit aussi « plus forte ») que la farine française.
En conséquence, la farine américaine est plus panifiable (= elle lève mieux quand on fait du pain avec), elle a un plus grand pouvoir d’absorption (= il faut lui ajouter plus de liquide pour obtenir une consistance donnée), et si on la travaille trop ou qu’on la dose mal, elle donnera des biscuits et des gâteaux plus denses, à la texture moins délicate.
Pour être tout à fait honnête, nos farines sont si différentes qu’il est vain d’espérer émuler exactement les farines américaines avec nos farines françaises (et vice versa, rassurez-vous). Le sujet est d’une complexité à vous donner le tournis (voyez plutôt) mais si on ne tient pas à pas se plonger là-dedans, on peut quand même bricoler.
La farine la plus communément utilisée s’appelle all-purpose flour (farine tout usage) et elle contient 10 à 12% de gluten. Pour le pain, les recettes utilisent souvent de la bread flour, un peu plus forte en gluten. Je les remplace l’une et l’autre par de la T65 française, mais si c’est pour le pain, il en faut généralement un peu plus pour absorber les ingrédients liquides de la recette et obtenir la consistance souhaitée. Les recettes précisent en général « unbleached flour », pour écarter les farines qui ont été traitées pour les rendre plus blanches, mais à ma connaissance les farines françaises ne sont jamais blanchies, donc on peut ignorer cette instruction.
On mentionnera aussi (par ordre de force croissante) les cake flour et pastry flour, qui sont moins fortes que la all-purpose et que je remplace par de la T45 ou T55; la bread flour, que je remplace par de la T80; et la whole wheat flour, ou farine complète, que je remplace par de la T110 ou T150, sachant que ces dernières sont finement moulues là où la whole wheat flour conserve encore souvent des petits flocons de son.
Grits
Il s’agit d’une sorte de semoule de maïs blanche ou jaune (selon la variété de maïs) aux grains de mouture plus ou moins grossière. (Littéralement, le mot grit désigne des petits fragments de matière, grains de sable ou fins gravillons.) C’est un ingrédient emblématique de la cuisine du Sud des Etats-Unis (mais à l’origine emprunté aux Indiens), qui est cuisiné un peu comme de la polenta et typiquement servi au petit déjeuner, avec des oeufs et du bacon. On en trouve dans certaines épiceries pour « expats » américains, mais à défaut on peut prendre de la semoule de maïs.
Milk
Le lait de vache est vendu en version skim ou nonfat (lait écrémé à 0.5% M.G.), low-fat (lait demi-écrémé à 2% M.G.) ou whole (lait entier à 3.5% M.G.). Il s’agit très majoritairement de lait frais, le lait UHT étant pratiquement introuvable aux Etats-Unis.
Le buttermilk (babeurre en français) est un lait légèrement fermenté, donc acidulé. On peut le remplacer par du lait ribot ou du kéfir de lait. À défaut, on peut utiliser du yaourt nature seul, ou un peu délayé avec du lait pour obtenir une consistence de yaourt à boire. On peut aussi préparer un ersatz de buttermilk : pour 250 ml de lait, on ajoute 1 c.s. de vinaigre blanc ou de jus de citron, on mélange et on laisse reposer 5 minutes.
L’evaporated milk correspond au lait concentré non sucré, et le condensed milk au lait concentré sucré.
Oats
Il s’agit de flocons d’avoine. La recette peut préciser « quick-cooking » (instantanés) ou « old-fashioned » (à l’ancienne). Pour la pâtisserie, j’utilise systématiquement les flocons d’avoine qu’on trouve en magasin bio, et le ciel ne m’est jamais tombé sur la tête.
Salt
Si rien n’est précisé, il s’agit de sel minier, le plus répandu aux Etats-Unis. Sinon, il est précisé sea salt (sel de mer). En général, il s’agit de sel finement moulu, sinon il est précisé coarse salt (gros sel) ou flaky salt (sel en cristaux type fleur de sel).
Le kosher salt est un sel minier qui se présente en cristaux pas très gros. Son nom vient du fait que c’est le sel qu’on utilise pour rendre la viande casher, en absorbant le sang qui se trouve à la surface (étape de salaison ou meli’ha). Certains cuisiniers le préfèrent au sel fin parce qu’il se dose plus facilement avec les doigts. Vous pouvez le remplacer par du sel de mer fin non raffiné (même consistance, mais plus riche en minéraux ; on en trouve en magasin bio).
Shortening
On parle le plus souvent de « vegetable shortening », parfois désigné par antonomase sous le nom de la marque Crisco : il s’agit alors d’une matière grasse végétale hydrogénée qui est donc solide à température ambiante, et qui est utilisée pour obtenir des biscuits et des pâtes à tarte à la consistance particulièrement « flaky » (c’est-à-dire friable en bouche, dans le bon sens du terme).
C’est assez proche de la margarine, mais avec un plus fort taux de matière grasse (et donc moins d’eau). La consommation de graisses hydrogénées étant fortement déconseillée, il vaut mieux remplacer le shortening par du beurre, ou par de la margarine bio (mais qui contient du coup de l’huile de palme).
Dans certains cas, plus rares, le terme « shortening » est utilisé de façon interchangeable avec le lard, qui est une graisse de porc semblable au saindoux, qui a les mêmes propriétés en pâtisserie.
Sugar
Granulated sugar, c’est du sucre blanc ordinaire. Pour le brown sugar, celui qu’on trouve aux Etats-Unis est un sucre « mou » (c’est-à-dire qu’il se met en paquets, plutôt que de « couler » comme le sucre blanc), que l’on peut remplacer par de la vergeoise brune (la vraie, qui est un sucre de betterave sans additifs) ou certains sucres bruns non raffinés qu’on trouve en magasin bio.
Yeast
C’est la levure de boulanger, pour le pain et les pâtes levées.
– Fresh yeast : c’est la levure fraîche qui s’achète en France chez le boulanger et ressemble à du plâtre frais ; la quantité est en général donnée en onces.
– Active dry yeast : c’est de la levure déshydratée qui se présente en tout petits granules brun clair, équivalente à celle qui est vendue en sachet dans les supermarchés français ou sous la marque Saf Levure pour les professionnels. Il faut généralement la dissoudre dans un liquide tiède en début de recette pour l’activer.
– Instant yeast : c’est une levure instantanée qui n’est pas très répandue sur le marché français, mais qui est commercialisée par Saf sous la marque Saf Instant. Elle a une action ultra rapide, n’a pas besoin d’être dissoute, et permet aux pâtes de lever en une seule fois, sans qu’il soit nécessaire de la dégazer à mi-parcours. On peut lui substituer de la levure déshydratée en quantité égale, à condition de la dissoudre en début de recette, d’allonger le temps de repos de la pâte, et de lui permettre de lever en deux temps.
Pour en savoir plus : le site The Cook’s Thesaurus m’est souvent d’un grand secours pour démêler les différents noms d’ingrédients et leur trouver des substitutions.
* Si vous ne vous souvenez plus bien de vos cours sur les pourcentages, je vous aide : on va dire que U est la quantité de chocolat non sucré de la recette, T le pourcentage de cacao de votre chocolat, C la quantité de votre chocolat à utiliser, et S la quantité de sucre qu’il faudra enlever de la recette. Alors C = U/T et S = C x (1-T). Exemple : pour remplacer 120 g de chocolat non sucré par du chocolat à 70% (= o.7), il faudra utiliser 170 g de chocolat à 70% (120/0.7) et diminuer la quantité de sucre de 50 g (170x(1-0.7)).