L’édition 2013 de l’Omnivore Food Festival (officiellement appelé l’Omnivore World Tour maintenant qu’il se balade à travers le monde) s’est tenue au Palais de la Mutualité à Paris la semaine dernière. J’ai passé deux journées hors du temps, dans la pénombre du grand auditorium, à regarder des chefs cuisiner sur scène et à prendre des notes d’une écriture qui est beaucoup plus présentable (je viens seulement de réaliser) si j’utilise un stylo-feutre plutôt qu’un stylo à bille.
Chaque année des thématiques communes émergent, et cette fois-ci nous avons vu beaucoup d’huîtres, de brassicacées, d’oignons, et de légumes cuits jusqu’au point de carbonisation.
Dans ces sessions, il y a bien sûr le côté passionnant de se brancher quelques minutes sur le cerveau d’un chef (beaucoup plus d’hommes que de femmes, malheureusement), le voir à l’oeuvre, et l’écouter parler de son approche. Mais ce que j’aime tout autant, c’est être à l’affût de quelque détail, mariage ou technique que je pourrai réutiliser à l’occasion dans ma cuisine.
En regardant mes notes quelques jours plus tard, j’ai décidé de partager avec vous la liste de ces idées, en espérant qu’elles vous inspirent aussi.
De Guillaume Foucault, anciennement chef de L’Artémise à Uzès, qui ouvrira bientôt Pertica à Vendôme, dans le Perche :
– Une poitrine de cochon, cuite 30 minutes à la poêle, puis plongée 1h30 à température ambiante dans du nuoc mam infusé d’anis étoilé, de cannelle [sc:cinnamon_link] et de clous de girofle (en photo ci-dessous).
– Le talauma, une épice vietnamienne qui se râpe (un peu comme la muscade), se marie bien avec le gibier.
– Il fait des haricots verts au sel en faisant macérer des haricots frais dans une jarre avec du gros sel et des fleurs de reine-des-prés. Il les coupe ensuite en toutes petites rondelles et les utilise comme assaisonnement, particulièrement pour un fromage frais.
De Jose Ramirez-Ruiz, qui tient le restaurant pop-up hebdomadaire Chez Jose à Brooklyn avec la pâtissière Pamela Yung :
– Il découpe un oignon en deux verticalement, le fait cuire à la poêle jusqu’à ce qu’il soit très caramélisé (limite brûlé), l’arrose de beurre fondu parfumé de laurier et d’ail, et le fait cuire au four à 200°C jusqu’à ce qu’il soit tendre à coeur. Il laisse reposer, détache les couches d’oignon en pétales, et les sert avec du cresson légèrement assaisonné et de la chapelure de pain au levain qu’il fait sauter avec du gras de bacon et du thym (en photo ci-dessous).
– Il fait un tartare de betterave en trompe-l’oeil avec des betteraves qu’il fait rôtir, puis déshydrater, et qu’il passe au hachoir à viande. Il assaisonne ça à la façon d’un tartare de boeuf, avec de l’huile d’olive, du jaune d’oeuf, du jus de citron, des graines de moutarde en pickle, et des noix de pécan.
– Il prépare un condiment puissant avec des noix de pécan, des anchois et des oignons caramélisés. Il le sert avec le tartare ci-dessus dans l’esprit « surf ‘n turf » (un terme qui désigne le mariage de la terre et de la mer, typiquement un steak servi avec un demi-homard).
– Il assaisonne toujours les noix et autre fruits à coque (avec de l’huile d’olive, du jus de citron et du vinaigre) avant de les utiliser dans ses plats.
– Il fait rôtir un chou blanc entier pendant environ 45 minutes (à ajuster selon la taille) à 260°C, en l’arrosant régulièrement d’huile, jusqu’à ce qu’il soit complètement noir. Le centre du chou cuit ainsi dans son propre jus. Il le découpe ensuite en tranches épaisses, en prélève des disques à l’emporte-pièce, et les assaisonne de jus de citron, huile d’olive et poivre. Il sert ça avec des graines de soja assaisonnées avec de la pâte de miso rouge et du jus de citron. C’est sa version du « beans and cabbage » dont il parle comme d’un classique de la cuisine portoricaine.
De Massimiliamo Alajmo, chef du restaurant Le Calandre à Padoue au nord de l’Italie :
– Pour son risotto câpres et café, il ajoute deux grains de café au riz pendant qu’il cuit. A la fin de la cuisson, il ajoute du beurre, du parmesan et du jus de citron, et sert le risotto saupoudré de câpres hachées.
– En parlant des légumes d’été qu’il utilise crus : « La cuisson, c’est le soleil. »
De Dimitri Zotov, chef d’Antrekot à Moscou :
– Il caramélise des corn flakes, les réduit en poudre, et place ça sous une quenelle de glace. (Dans son cas, c’est une glace au chou-fleur, mais je me vois moyennement faire ça chez moi.)
De Jean-François Foucher, pâtissier de la Pâtisserie Foucher à Cherbourg :
– Pour les gelées, il utilise 1,5 g d’agar-agar pour 1/2 litre de liquide.
– Si vous avez besoin de parfumer du lait ou de la crème avec de la vanille, il recommande une infusion à froid : il suffit d’ajouter la gousse la veille et laisser infuser toute la nuit au frais.
– Pour cuire les choux de façon homogène (pour des chouquettes ou des choux à la crème), il les enfourne d’abord dans le four préchauffé à 250°C, éteint le four, et les laisse dans le four éteint 20 minutes, ou jusqu’à ce que la chaleur du four retombe à 180°C. Alors il rallume le four à 180°C et fait cuire jusqu’à obtenir la coloration souhaitée.
De Stéphanie Labelle, pâtisserière de la pâtisserie Rhubarbe à Montréal :
– Pour son honeycomb au sirop d’érable (le honeybomb, c’est une sorte de meringue caramélisée comme l’intérieur des Maltesers ; le terme québécois est « tire-éponge »), elle utilise 250 g de sirop d’érable, 165 g de glucose et 50 g de sucre qu’elle porte à 151°C, avant d’incorporer 13 grams de bicarbonate de sodium en fouettant bien.
Des frères Folmer, du restaurant Couvert-Couvert à Herverlee en Belgique :
– Ils font griller des coeurs de laitue coupés en deux à la poêle (en photo ci-dessus).
– Ils réhydratent des spaghetti de mer (un type d’algue) et les roulent dans une fine poudre obtenue à partir des mêmes algues (en photo tout en haut de ce billet).
– Ils servent les huîtres enroulées dans de fins rubans de concombre.
– Ils râpent de la poutargue (qu’ils font eux-mêmes avec des oeufs de bar) sur des asperges blanches et ajoutent un mélange d’herbes fraîches de leur jardin.
– Ils font confire des citrons rouges à la maroquaine, mais en ajoutant un quart du poid en sucre.
– Ils préparent des oignons grelot en pickle dans du jus de betterave, les détachent en petits pétales couleur rubis qu’ils servent avec du céleri-rave rôti (en photo ci-dessous).
– Ils coupent une pomme pelée en fines tranches horizontales qu’ils laissent bien empilées, et font rôtir le tout (je n’ai pas saisi ce détail, mais je suppose que la pomme est arrosée d’un liquide pendant la cuisson — peut-être du beurre et/ou du jus de pomme).
Et vous, quelle est la dernière bonne idée qu’un chef vous ait inspiré ?