Les Parents qui cuisinent : Diana Abu-Jaber

Gracie et Diana
Gracie et Diana.

Les Parents qui cuisinent est une série d’entretiens dans lesquels mes invités me parlent de l’évolution de leur cuisine après l’arrivée de leur(s) enfant(s).

Birds of ParadiseDiana Abu-Jaber est un écrivain américain d’origine jordanienne qui a écrit quatre romans — le dernier est Birds of Paradise — et un récit autobiographique intitulé The Language of Baklava, dans lequel elle explore l’histoire de sa famille par le biais des nourritures de son enfance. Elle écrit merveilleusement bien, avec un vrai talent pour donner vie à ses personnages, et les scènes de cuisine et de pâtisserie qu’on trouve dans ses livres révèlent une vraie appréciation pour les arts culinaires.

Je suis en contact avec Diana depuis quelques années — la magie des réseaux sociaux ! — et comme elle a une petite fille, je me suis empressée de l’inviter à participer à ma série Les Parents qui cuisinent. (Entretien mené en anglais et traduit par mes soins.)

Diana travaille en ce moment sur la suite de son récit autobiographique, et voici ce qu’elle en dit : « Le nouveau livre reprend là où Baklava s’achève, au moment où je me lance pour devenir écrivain et où les gens qui m’entourent et me conseillent ne cessent de me dire : tu peux être écrivain ou mère, mais pas les deux. C’est un livre qui parle de la lutte qu’on mène contre les réalités économiques, des décisions difficiles qu’on doit prendre, et de l’intersection entre la nourriture, la famille, et l’art. » (Je suis impatiente que le livre sorte !) Vous pouvez suivre Diana sur twitter.

Peux-tu nous dire quelques mots sur ta fille ? Son nom, son âge et son tempérament ?

Gracie a quatre ans. On l’appelle « la petite sauvage », mais en réalité c’est un amour.

Est-ce que l’arrivée de ta fille a changé la façon dont tu cuisines ?

Je suis moins spontanée, mais je suis aussi plus attentive dans mon approche de la cuisine. Je passe plus de temps à réfléchir aux ingrédients, à lire les étiquettes, à me poser des questions sur nos façons de manger. J’aimerais qu’elle développe des habitudes alimentaires saines et audacieuses, mais je sais qu’il faut être réaliste quant aux goûts des enfants.

Est-ce que tu te souviens ce que c’était que de cuisiner avec un nouveau-né ? As-tu des astuces ou des conseils pour les jeunes parents qui traversent cette phase ?

Je me souviens que lorsque mes parents ou nos amis nous faisaient la surprise de venir nous voir en nous apportant un repas, c’était comme si les cieux s’ouvraient pour révéler la lumière divine. Si vous connaissez quelqu’un qui a un nouveau-né, allez immédiatement lui acheter un poulet rôti ! C’est tellement difficile de gérer les tâches du quotidien avec un petit bébé. Faire les courses (sans même parler de cuisiner) paraissait insurmontable.

Mon mari et moi nous reposions sur un répertoire de plats de base qui donnent des restes : des morceaux de viande faciles à cuisiner — un filet de porc, des côtelettes d’agneau — des plats de pâtes simples comme les carbonara, des plats mijotés, des chilis. Parfois on bricolait — des oeufs brouillés, une salade au thon — ou on grignotait un peu de pâté, un peu de fromage, un peu de salami. En général, l’un de nous nourrissait le bébé pendant que l’autre lui coupait des bouchées et lui donnait la becquée.

Au fil du temps, as-tu mis au point des recettes ou des stratégies qui te permettent de jongler entre la préparation des repas et ta fille ?

Oui — tous les plats dont j’ai parlé plus haut, et puis le poulet Marbella, le coq au vin… Je fais aussi attention aux goûts de ma fille, et j’essaie d’avoir toujours certains ingrédients de base à la maison : du fromage, des noix et noisettes, des haricots, de la sauce tahini, du jambon, des fruits, etc.

C’est bien d’acheter des tonnes de fruits — surtout des fruits rouges — et d’avoir toujours de la crème fraîche sous la main. Ma fille mange n’importe quel fruit du moment qu’il y a même une micro-trace de crème fouettée dessus. Une fois par semaine, on fait des pizzas, et on prépare généralement une double dose de pâte pour pouvoir en mettre la moitié au congélateur. Même chose pour les cookies : on en cuit la moitié et on congèle le reste. Il m’arrive souvent de faire cuire juste quelques biscuits pour elle.

On a la chance d’avoir un climat favorable ici en Floride, donc j’essaie d’en profiter pour jardiner. On cultive des herbes, et on a des arbres fruitiers — cocotier, limettier, manguier. C’est beaucoup plus facile (et aussi moins cher) si on n’est pas obligé d’aller faire les courses à chaque fois qu’on a besoin d’un peu de menthe.

As-tu trouvé le moyen d’impliquer tes enfants dans ta cuisine ? Peux-tu nous dire comment tu t’y es prise, ce qui marche et ce qui ne marche pas ?

Je crois que la pâtisserie est un choix naturel pour la plupart des enfants. C’est amusant, c’est léger, on en met partout, et le résultat est merveilleusement gratifiant. Quand Gracie a eu deux ans, ou même peut-être un peu avant, j’ai commencé à lui donner un petit bol pour qu’elle fasse comme moi. Elle a son propre petit fouet et je lui donne des petites quantités des divers ingrédients à mélanger. Elle est enchanté par tout le processus, et parfois je bataille un peu pour faire ce que j’ai à faire par-dessus cette petite tête bouclée.

Il peut être difficile pour quelqu’un qui tient à pratiquer la pâtisserie de façon propre et précise — comme c’était le cas pour ma grand-mère — de composer avec une petite aide qui fait le clown. Je me suis aperçue qu’il fallait vraiment que je laisse le désordre exister. Je m’efforce de devenir une pâtissière plus dans l’intuition et l’approximation : Gracie est moyennement intéressée par les calibrations précises. Je la laisse aussi lécher les restes de pâte à gâteau dans le bol après — parfois, la simple perspective de cette pâte suffit à ce qu’elle reste calme pendant les étapes plus épineuses.

En tant que passionnée de cuisine, peux-tu nous parler des joies et des difficultés que tu as rencontrées en nourrissant ta fille, et en essayant de lui apprendre à être une mangeuse heureuse et audacieuse ?

Ça a été fascinant et surprenant d’examiner mes propres préjugés sur ce que les enfants aiment et n’aiment pas. J’essaie de ne pas partir du principe qu’ils vont être difficiles et j’essaie de toujours proposer à Gracie de goûter. Je pense qu’on donne le bâton pour se faire battre si on prévient un enfant que tel ou tel plat risque de ne pas être à son goût. Quand un aliment est un peu particulier ou inhabituel, je l’encourage à le renifler ou à le lécher — en général, elle accepte au moins de faire ça, et ensuite, il arrive qu’elle en veuille d’avantage.

C’est facile de s’en tenir aux recettes éprouvées, de continuer à faire cuire des nuggets de poulet et à commander des frites — mais finalement ce n’est pas un service à rendre à cette petite personne qui apprend encore de quoi est fait le monde. J’étais surprise et ravie le jour où ma fille a commencé à dévorer le bleu qui était dans ma salade (avant de s’attaquer à la laitue). Elle nous pique nos steaks, elle se jette sur les plats mexicains, thais ou indiens, et elle mange parfois plus épicé que mon mari. Elle apprécie vraiment la nourriture, elle aime la bonne cuisine, et elle remarque quand quelque chose est préparé avec soin. Il y a peu de choses qui me rendent plus heureuse que de l’entendre dire : « Miam miam miammm ! »

Bien sûr, c’est aussi un enfant, ce qui peut vouloir dire changeant, capricieux, ou difficile. Dans notre cas, j’ai constaté qu’inévitablement, les efforts qu’on investit dans un plat sont inversement proportionnels au degré d’appréciation de notre fille. Mais finalement, c’est assez libérateur de décider de ne pas lutter contre (même si ça m’arrive encore de temps en temps). Il faut juste garder en tête que si on passe dix heures à préparer un repas merveilleux et sophistiqué, l’enfant ne va probablement pas y toucher. Et si on met un peu de beurre de cacahuète et de cannelle [sc:cinnamon_link] sur une lamelle de pomme, il sera au paradis.

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