Longtemps, j’ai cru que les légumes d’hiver étaient tristes, et que la seule chose à faire était de prendre son mal en patience, en scrutant l’horizon (« Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? ») dans l’espoir d’y voir poindre des asperges ou bien quelques fraises.
Honnêtement, je ne sais pas comment j’ai pu être aussi aveugle : quid de la mâche et du potimarron, du chou-fleur et du brocoli, des endives et des poireaux et des blettes, des carottes et des betteraves ? Comptent-ils pour du beurre ?
Si vous n’avez jamais goûté la betterave en version crudivore, je vous conseille vivement d’essayer, même si vous (croyez que vous) honnissez la betterave cuite.
La météo particulièrement bienveillante de cet hiver y est sûrement pour quelque chose : peut-être ma mémoire me joue-t-elle des tours, mais il me semble qu’il y avait toujours du soleil le samedi matin, alors que j’enfourchais un Vélib pour me rendre au marché des Batignolles.
En tous cas, pour la première fois cette année, j’ai ressenti une poussée de nostalgie aigue lorsque mon fournisseur habituel m’a avoué qu’il n’aurait plus de poires pour moi cette saison (il avait vraiment l’air très embêté) et lorsque, quelques stands plus loin, j’ai aperçu le premier panier de petits pois.
« Oh non! » ai-je gémi dans mon étole turquoise, « Il est trop tôt, je ne suis pas encore prête à laisser filer l’hiver! » C’est alors que je me suis dit : « Il faut que je parle de mon affaire de carottes et betteraves râpées au plus vite, avant que tout le monde ne soit passé à des recettes plus verdoyantes. »
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