Si vous avez l’âme et le palais sensibles, puis-je vous conseiller d’aller plutôt vous promener par ici, par ici, ou peut-être par là ?
Pour les autres, ceux qui ne tournent pas de l’oeil rien qu’à la lecture des mots « tripes » ou « langue de boeuf, » ceux qui possèdent un exemplaire de la bible des abats* ou de ce petit volume facétieux qui m’a été remis à l’occasion du mois des produits tripiers, voici le plat que j’ai préparé le weekend dernier avec les rognons de boeuf fournis par mon boucher bio. (Je précise que cette fois j’ai été sage et que je n’ai eu envie de faire de croche-pied à personne.)
Je suis moi-même grande amatrice d’abats — avec un faible pour les ris de veau et d’agneau — mais c’était la première fois que je m’attaquais, en tant que cuisinière, à plus épineux qu’une simple tranche de foie. Aussi, un peu de recherche s’imposait.
La fée des abats devait veiller sur moi depuis son pied de porc volant, car tout fut bien qui finit bien — une sauce sombre et soyeuse et des tranches de rognons fermes mais souples.
J’ai ainsi appris, au détour de mes googlinations, que les rognons d’agneau et de veau étaient plus fins, plus faciles à cuisiner, et donc supérieurs en tous points aux rognons de boeuf (ça commençait bien), mais que ces derniers pouvaient être adoucis par une bonne douche d’eau bouillante vinaigrée (on le serait à moins). J’ai aussi lu que les rognons de boeuf donnaient le meilleur d’eux-même dans des plats en sauce, mais la poignée de recettes que j’ai dénichées ne semblaient pas parvenir à se mettre d’accord sur les modalités d’application de la réforme des régimes spéciaux, non je plaisante, mais c’est bien, vous suivez, ne semblaient pas parvenir à se mettre d’accord sur le mode de cuisson idéal : faire bouillir les rognons jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou les faire revenir rapidement à la poêle.
Je n’allais pas y passer la journée, donc j’ai choisi l’option « faire revenir rapidement à la poêle ».
Je n’en menais pas large car, d’après mes estimations, j’avais affaire à un fiasco potentiel de magnitude 8 sur l’échelle du fiasco potentiel, qui va de 1 à 10 : jamais de ma vie je n’avais vu quelqu’un faire cuire un rognon, ce que je m’apprêtais à faire ressemblait fort à de l’impro et, sans vous faire un croquis, l’odeur des rognons crus avant blanchissement était assez révoltante (songez un court instant à ce que les rognons font dans la vie).
Mais la fée des abats devait veiller sur moi depuis son pied de porc volant, car tout fut bien qui finit bien — une sauce sombre et soyeuse, des tranches de rognons fermes mais souples, leur hardiesse tempérée par le sucré des oignons et la clarté du persil, un franc succès à en croire Maxence — à un détail près : le résultat final ne brillant pas par sa photogénie, il faudra vous contenter des clichés intermédiaires ci-dessus.
* Une merveille d’écriture, que vous caressiez ou non l’ambition de préparer un jour votre propre roulade de rate de cochon. Il paraît que le deuxième livre de Fergus Henderson n’est pas mal non plus.
Lire la suite »