Fromage végétal « cru » aux noix de cajou

Il n’y a pas beaucoup plus omnivore que moi, mais je m’intéresse vivement à l’assiette de ceux qui empruntent — par choix ou par obligation — un autre chemin*, qu’il soit végétarien, végétalien, crudivore ou sans allergène.

La raison pour laquelle ça m’intéresse tant, c’est que s’alimenter sous de telles contraintes oblige à penser la cuisine autrement, à dénicher de nouveaux ingrédients ou à voir les anciens sous un jour différent, et à imaginer de nouvelles techniques, recettes et préparations qui viennent enrichir le répertoire potentiel de tous les autres mangeurs, pour peu qu’ils soient assez curieux pour les goûter.

Comme je rentrais à Paris le soir même, j’ai aussi commandé un wrap à emporter, que j’ai mangé tranquillement dans l’avion, pendant que ma voisine découvrait le contenu de son plateau-repas avec un désespoir palpable.

Lorsque j’étais à Los Angeles au printemps dernier à l’occasion de la sortie de mon guide de Paris, j’ai été ravie d’avoir enfin l’occasion d’aller chez Real Food Daily, un restaurant végétalien dont j’avais appris l’existence il y a quelques années, par le biais du livre de cuisine du même nom.

J’y ai déjeuné avec bonheur d’un sandwich Ciao Bella et d’un grand verre de jus frais. Et comme je rentrais à Paris le soir même, j’ai aussi commandé un wrap à emporter, que j’ai mangé tranquillement dans l’avion, pendant que ma voisine découvrait le contenu de son plateau-repas avec un désespoir palpable.

Une fois à la maison, j’ai rouvert ledit livre et, en le feuilletant avec un oeil neuf, j’ai remarqué une petite recette qui m’a téléportée du canapé à la cuisine, un phénomène que les amateurs de livres de cuisine connaissent bien.

C’était une recette de fromage de noix de cajou, une sorte d’alternative végétalienne au fromage frais classique. L’idée était exaltante, le procédé enfantin, et j’avais de plus tous les ingrédients sous la main.

Il a fallu patienter un peu avant de goûter le résultat, puisque la recette demande de faire tremper les noix de cajou pendant deux heures, puis laisser reposer le « fromage » une journée, mais tout vient à point à qui sait attendre.

Ceux d’entre nous qui mangent du vrai fromage à chaque repas de façon régulière mais modérée s’accorderont à dire qu’il s’agit ici d’une interprétation assez libre de la notion de « fromage, » quoique la texture rappelle un peu celle de la ricotta maison.

Mais c’est surtout un délice à part entière, une tartinade mousseuse et délicatement sucrée que nous avons appréciée sur de la baguette, sur des oatcakes anglais, et dans des sandwiches de pita. Et si vous préférez aller au bout de l’approche crudivore, vous pouvez en garnir des crackers aux graines déshydratés.

* Vous aussi, ça vous met la chanson de Goldman dans la tête ?

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Barres banane et chocolat pour le petit déjeuner

Lorsque Heidi a évoqué il y a quelques mois les cookies bons pour la santé de son amie Nikki, mon sang n’a fait qu’un tour, et je me suis empressée de punaiser la recette au tableau de liège de mon esprit*.

Et dès que je me suis trouvée en possession de quelques bananes en fin de vie (certains m’accuseront peut-être de les avoir laissées brunir intentionnellement, mais ce n’est que calomnie), je n’ai pas hésité longtemps sur la meilleure façon de les mettre à profit.

J’ai fait quelques modifications à la recette d’origine : 1- j’ai utilisé du beurre d’amande complet plutôt que de l’huile de noix de coco, que je n’avais pas sous la main. 2- J’ai diminué la quantité de chocolat, ce qui peut paraître inouï quand on me connaît un peu, mais je me suis simplement arrêtée quand il m’a semblé qu’il y en avait assez. 3- Je n’ai pas mis de cannelle, parce que je ne suis pas fan du couple qu’elle forme avec la banane. 4- Je n’ai pas mis de levure non plus : comme il n’y a pratiquement pas de gluten dans la recette**, je ne voyais pas bien à quoi elle pouvait servir.

Ah oui, et au lieu de former des petits cookies, j’ai simplement versé la pâte dans un plat à four rectangulaire, et coupé le tout en carrés après cuisson, à la manière des bars américaines*** : d’abord parce que c’est plus facile, ensuite parce que je savais qu’il nous faudrait quelques jours pour tout manger, et comme il n’y a pas beaucoup de matière grasse dans la recette, découper les parts au fur et à mesure permettrait de conserver une consistance moelleuse.

La beauté de ces barres végétaliennes, c’est qu’elles s’appuient sur le pouvoir sucrant des bananes, à l’exclusion de tout sucre ajouté, tandis que le chocolat noir et la noix de coco achèvent de les parfumer. On obtient des petits gâteaux modérément sucrés mais très goûteux, dont on peut se délecter au petit déjeuner — ils se marient bien avec des clémentines — sans craindre la chute de glucose (et l’humeur de grizzli qui va avec) en milieu de matinée.

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* En vrai, pour organiser mes notes, mes listes et mes recettes, j’utilise l’application Notebook pour Mac OS X.

** Les flocons d’avoine ne contiennent pas de gluten en théorie, mais il peut y en avoir des traces dans ceux que l’on trouve dans le commerce s’ils passent sur les mêmes machines que d’autres céréales. Si vous suivez un régime strictement sans gluten, assurez-vous que vos flocons d’avoine sont bien certifiés comme tel.

*** Les bars sont une catégorie de pâtisserie très populaire outre-Atlantique : on fait cuire la pâte (généralement peu ou pas levée) dans un moule carré ou rectangulaire, et on la détaille ensuite en parts individuelles, elles-mêmes carrées ou rectangulaires. Le brownie en est l’exemple le plus exporté, mais on peut citer aussi les blondies, lemon bars, date squares, et autres Rice Krispie treats.

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Coings pochés à la vanille

Avez-vous eu, quand vous étiez petit, un de ces bouquins scratch ‘n sniff, dont on pouvait gratter les pages pour libérer, ici un arôme de fraise, là une odeur de lavande ?

Non, parce que le sujet du jour bénéficierait grandement de l’équivalent digital de cette technologie. A défaut, il faudra juste fermer les yeux et essayer de se figurer l’odeur irrésistible, florale, sucrée, acidulée, qu’émet le coing, qui est pourtant un des sujets les plus biscornus et disgracieux du royaume fruitier.

D’ailleurs, s’il vous prenait l’idée loufoque de faire cuire vos coings dès le retour du marché, je serais obligée de m’interposer : la seule façon raisonnable de procéder, c’est de laisser lesdits coings sur un joli plat, quelque part dans la cuisine ou dans le salon, d’où ils serviront de parfum d’ambiance 100% naturel.

S’il vous prenait l’idée loufoque de faire cuire vos coings dès le retour du marché, je serais obligée de m’interposer : il faut laisser lesdits coings quelque temps sur un joli plat, dans la cuisine ou le salon, d’où ils serviront de parfum d’ambiance 100% naturel.

Et quand vous aurez fini de vous évanouir de félicité à chaque fois que vous passez à proximité, alors seulement vous pourrez les faire pocher, et vous émerveiller de la deuxième surprise qu’ils réservent : la chair du coing, blafarde et immangeable lorsqu’elle est crue, devient rose pourpre* et délectable après cuisson.

Comme le coing contient beaucoup de pectine, il est fréquemment transformé en pâte (dulce de membrillo), ou en gelée, ou en confiture, mais ces préparations sont généralement trop sucrées à mon goût ; on y perd un peu de la subtilité du fruit. Je préfère largement la compote de coing, pochée dans un sirop faiblement sucré**.

Au bout de quelques heures de mijotage — eh oui, il faut bien ça — les quartiers de coing deviennent fondants, avec un voile légèrement granuleux délicieux, et prennent une saveur à mi-chemin entre une très bonne pomme et une très bonne poire, ponctuée de notes de miel et d’épices.

Le seul bémol du coing, qui en a sans aucun doute découragé plus d’un, c’est qu’il est un peu laborieux à découper : contrairement à la pomme ou la poire, ses cousins nettement plus faciles à vivre, le coing a l’âme rebelle et oppose à la lame du couteau une résistance obstinée. Pour remédier à ça, on peut, au choix, bien aiguiser son couteau, porter des gants, recruter un commis, ou émettre quelque juron coloré lorsque l’envie s’en fait sentir.

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Glace au yaourt et au chocolat

Environ 62% de mes idées de recettes naissent dans mon lit, lorsque je m’efforce de trouver le sommeil mais que mes pensées s’échappent, répertorient le contenu du réfrigérateur, et essaient de trouver quelque moyen futé de mettre à profit tel ou tel ingrédient.

Ces sessions nocturnes (ou diurnes, d’ailleurs, l’heure de la sieste n’échappant pas à ce phénomène) donnent généralement des résultats satisfaisants, et une fois de temps en temps, un truc épatant. Je vous laisse deviner dans quelle catégorie je mets la glace qui nous occupe aujourd’hui.

La première cuillerée, raclée à même la pale de la sorbetière, m’a stupéfaite : était-ce possible que ce soit si bon ?

Le défi était le suivant : il me restait une petite moitié d’un pot de crème fraîche bio qui était ouvert depuis quelques jours, et comme je cuisine peu à la crème fraîche, je tenais à lui trouver un bon rôle avant qu’elle ne décide de rancir ou de se laisser pousser la barbe. Dans la famille produits laitiers, j’avais aussi du vrai yaourt grec* qui permet, entre autres choses merveilleuses, de faire de la très bonne glace au yaourt.

Et comme cela faisait un moment que je n’avais pas fait de dessert glacé-cacaoté (souvenons-nous quand même du sorbet au chocolat noir et de la glace au nutella), je me suis dit, c’est décidé, je vais faire une glace au yaourt et au chocolat. Là-dessus, je me suis endormie.

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Moules au champagne et au safran (ou pas)

Saffron Mussels

A la suite de mon billet sur la pêche durable, j’ai réalisé que lorsqu’on tient un blog de cuisine, on peut certes soulever le problème et essayer de faire soi-même des choix responsables, mais finalement, la façon la plus efficace d’agir reste peut-être de proposer des recettes qui mettent en avant les variétés marines les plus recommandables.

Il se trouve que Jacqueline Church, journaliste à Boston, est du même avis, et ce constat est à l’origine de Teach a Man to Fish*, l’initiative qu’elle a lancée pour sensibiliser la blogosphère et ses lecteurs à la question de la pêche durable. Si vous avez envie de participer en proposant votre propre recette, vous avez jusqu’à la fin du mois, et les instructions (en anglais) sont par là.

Pourquoi ai-je choisi de mettre mademoiselle la moule à l’honneur ? D’abord parce que les moules d’élevage** sont dans la colonne OUI! de mon guide de consommation responsable. Ensuite, parce qu’on est pile dans la saison (et ce jusqu’à la fin de l’hiver), et enfin parce que, bien que délicieuses, pleines de bonnes choses, et faciles à accommoder, les moules restent une source d’angoisse pour la plupart des gens (c’est le syndrome « il y a des choses vivantes dans mon évier »), qui ne se pressent donc pas trop pour les cuisiner.

D’ailleurs, moi qui vous parle, j’ai mis très longtemps à comprendre l’intérêt de manger des moules.

Je n’aimais ni le goût, ni la texture, ni le jus collant qui vous dégouline le long des poignets, et je préférais passer mon tour. Lorsque Maxence et moi nous sommes rencontrés, il y a bien des lunes, on allait parfois manger dans cette chaîne de restaurants bruxellois qui vous attendent sur les boulevards à la sortie des cinémas parisiens, et dont les moules sont, sans grande surprise, la spécialité. Pendant que Maxence s’en délectait, je dînais d’une gaufre liégeoise, servie avec sauce chocolat et glace à la vanille, et tout le monde était content.

Et puis mes papilles ont mûri, j’ai commencé à apprécier tout ce qui vit dans une coquille, et lorsque nous avons fini par aller passer un weekend à Bruxelles, je n’avais qu’une idée en tête : manger des moules à chaque repas. C’est d’ailleurs en gros ce que nous avons fait.

Les moules que j’achète chez mon poissonnier sont des moules de bouchot*** de la baie du Mont Saint-Michel, baie qui se trouve techniquement en Bretagne alors que le Mont lui-même fait partie de la Normandie, mais je préfère éviter de m’étendre sur ce sujet ô combien explosif. Glissons.

Vendues donc sous leur label à rallonge (« Moules de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel AOC »), ces moules sont protégées par une appellation d’origine contrôlée, et furent d’ailleurs, en 2006, le tout premier produit de la mer à bénéficier d’un tel statut.

Cette recette s’inspire de la recette classique des moules marinière, dans laquelle on cuit les moules vivantes dans un bouillon tout simple, préparé avec du vin blanc sec, des échalotes, des herbes, du beurre, et un trait de vinaigre.

J’avais envie d’en faire une interprétation un peu plus festive, donc j’ai parfumé le bouillon au safran (le meilleur ami de la moule ; le mien vient de chez Goumanyat). Et comme il se trouve que j’avais un fond de champagne au frais, les moules ont eu droit à un jacuzzi version luxe, en lieu et place du vin blanc. Ceci étant dit, vous pouvez absolument zapper le safran et utiliser un vin blanc sec meilleur marché, pétillant ou non : j’ai déjà fait la recette comme ça, et à vrai dire, le résultat est tout aussi bon.

La façon la plus simple et la plus satisfaisante de déguster les moules est de se servir d’une moule vide comme d’une pince pour attraper la chair de ses compagnes d’infortune. Il est donc charitable de penser à équiper vos invités d’une grande serviette et d’un rince-doigts : surtout pas une lingette jetable (vous plaisantez), mais un petit bol d’eau chaude dans laquelle nage une tranche de citron.

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* Teach a man to fish signifie littéralement : « Apprenez à un homme à pêcher, » mais c’est en fait une allusion à une parabole bien connue sur l’autosuffisance : « Si tu donnes un poisson à quelqu’un, il aura de quoi manger ce jour-là ; si tu lui apprends à pêcher, il aura de quoi manger toute sa vie. »

** Interlude lexical : l’élevage de moules s’appelle la mytiliculture, l’élevage d’huîtres l’ostréiculture, et l’élevage de coquillages en général s’appelle la conchyliculture, ce qui peut être pris pour une insulte si on n’entend pas bien, et n’englobe pas mon préféré : l’élevage des escargots, ou héliciculture.

*** Une moule de bouchot est une moule qui a été élevée sur un bouchot, un pieu en bois planté dans le sable, et autour duquel une corde est entourée en spirale : les moules sont invitées à bien vouloir s’accrocher à la corde, et sont ainsi exposées à l’air et à l’eau, alternativement, au gré des marées.

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