Lucy Baluteig-Gomes est la créatrice française de Rose la Biche, une ligne de vêtements à la fois faciles à porter et poétiques, ornés de cascades de pétales, de cols froncés, ou de plastrons en tulle.
Lucy et moi nous connaissons depuis des années — depuis une rencontre C&Z à San Francisco en 2006 — et j’ai suivi ses aventures lorsqu’elle a quitté la Californie pour rentrer à Paris, avant de repartir pour Barcelone où elle vit aujourd’hui. Lucy a deux enfants qui sont encore petits, et je suis ravie de l’accueillir pour ma série des Parents qui cuisinent.
J’ai deux enfants. Oscar, un garçon de 6 ans, et Brune, une fille de 3 ans. Deux caractères totalement différents, ce qui ne les empêche pas d’être très complices.
Oscar est un enfant doux et sensible, posé et responsable. Très sociable, il adore faire le clown pour faire rire les gens et ne supporte pas l’injustice. On s’amuse souvent à dire qu’il faudrait lui remettre le Prix Nobel de la Paix !
Brune est une petite fille vive, espiègle et battante, pleine d’énergie avec un caractère bien trempé. Elle a déjà compris qu’un de ses sourires peut faire craquer n’importe qui, et elle sait en jouer habilement pour obtenir ce qu’elle veut !
Est-ce que l’arrivée de tes enfants a changé la façon dont tu cuisines ?
Pas vraiment. Une fois la phase « bébé » passée, j’ai très rapidement fait en sorte de ne préparer qu’un seul repas pour tout le monde. D’abord par souci de praticité, mais aussi parce que je tiens à ce que le moment du repas soit partagé : c’est mon côté tradi ! On parle des légumes ou des épices utilisés, on commente si on aime ou pas, et puis on discute aussi de la journée de chacun. C’est vraiment un moment qui m’est cher où je fais en sorte que l’on se retrouve tous les quatre assis ensemble le plus souvent possible, quitte à dîner tard.
Et puis je viens du Sud-Ouest : on ne rigole pas avec la nourriture dans ma famille, on adore cuisiner, et absolument tout tourne autour de ça ! Du coup, j’ai plutôt légèrement adapté certaines de mes recettes au niveau de la présentation pour les rendre plus attrayantes pour les enfants (le poisson sous forme de boulettes par exemple) ou pour les réaliser plus rapidement (un risotto en 9 minutes dans ma cocotte minute). C’est vrai que je suis toujours à la recherche d’astuces ou techniques pour varier et gagner du temps, mais dans l’ensemble, je n’ai pas vraiment changé la façon dont je cuisine.
Est-ce que tu te souviens ce que c’était que de cuisiner avec un très jeune enfant ? As-tu des astuces ou des conseils pour les jeunes parents qui traversent cette phase ?
Comme beaucoup de mères je pense, j’ai deux outils qui m’ont sauvée : un Babycook et un robot mixeur. La cuisson vapeur du Babycook est géniale et tellement pratique, j’ai adoré ! Il suffit de couper quelques légumes et un peu de viande ou de poisson, on tourne le bouton et hop, on peut partir faire autre chose. Cela permet de cuisiner des produits frais pour le bébé à chaque repas.
C’est une époque où je me suis mise à faire beaucoup de purée de légumes pour mon mari et moi également — patates douces, céleri, fèves — je n’y pensais pas particulièrement avant. J’y faisais aussi énormément de compotes de fruits cuits. Légumes ou fruits, je congelais les purées pour les jours où je n’avais pas le temps de les préparer.
Avec le mixeur, je leur préparais des smoothies de fruits frais pour le petit déjeuner : en remplacement du lait dans un bol de flocons d’avoine, c’est idéal au début de la diversification alimentaire tant au niveau du goût que de l’apport de vitamines. Je me souviens que quand il m’arrivait de donner un petit pot acheté dans le commerce, mes enfants ne voulaient pas le manger, trop bien habitués qu’ils étaient !
Au fil du temps, as-tu mis au point des recettes ou des stratégies qui te permettent de jongler entre la préparation des repas et les enfants ?
Comme je travaille à la maison, je n’ai pas d’horaires tardifs qui m’empêcheraient de prendre le temps de cuisiner, et je profite de cette chance pleinement. Je cuisine des produits frais autant que possible et m’autorise une petite demi-heure quotidienne pour faire quelque chose qui me plaise. Pour réussir à cuisiner 20-30 minutes sans stress ou sans petits dans les jambes, je laisse mes enfants regarder un dessin animé : tout le monde est content !
Sinon, ma stratégie est d’avoir toujours des légumes lavés parfois prédécoupés dans le frigidaire : je gagne du temps. J’ai également toujours une pâte toute faite pour les soirs de fatigue, pour une quiche composée avec ce que je trouve. C’est un bon moyen d’y mettre plein de légumes « détournés » en les mixant : épinards, courgette, brocoli, citrouille…
J’ai aussi une recette que mes enfants me réclament souvent et qui se fait en dix minutes : le velouté de courgettes. Deux courgettes dans de l’eau avec un bouillon cube, et dix minutes plus tard, quand c’est cuit, on mixe avec une Vache qui rit : un régal de soupe !
As-tu trouvé le moyen d’impliquer tes enfants dans ta cuisine ? Peux-tu nous dire comment tu t’y es prise, ce qui marche et ce qui ne marche pas ?
A la maison, je n’ai jamais cherché à les impliquer particulièrement dans le sens où la cuisine est tellement importante pour moi que c’est eux qui sont venus de manière naturelle pour me demander ce que je faisais, s’ils pouvaient m’aider. Je ne leur dit jamais non et chaque jour, ils mettent la main à la pâte d’une manière ou d’une autre, même si ce n’est que pour apporter les plats sur la table.
J’essaie de trouver un moment le week-end pour faire des recettes sucrées avec eux, des crêpes, des gâteaux et ils sont fiers de dire : « c’est moi qui l’ai fait ! » Ils adorent aussi le côté « je mets mon tablier » et j’en profite pour accentuer un peu le côté solennel de la chose : tu as un tablier, donc tu as un rôle important toi aussi dans cette cuisine.
Oscar est devenu le roi du cheesecake. Brune aime plutôt jouer avec les cuillères à soupe et transvaser les poudres, mettre le sucre dans les préparations. Récemment, nous avons acheté un livre de recettes pour enfants et on a décidé d’en réaliser une chaque week-end. Même s’ils ne savent pas lire, ils suivent les images et cela leur plaît.
Ce que j’entretiens particulièrement, c’est le fait de goûter à des cuisines différentes de la mienne. Nous aimons découvrir des petits restaurants le week-end et les enfants goûtent à tout : nems, brochettes thaï, sushi, gaspacho, tacos, phô, curry, massala, etc. On parle des pays où l’on mange ces spécialités et au retour, on regarde sur notre mappemonde où se trouve le pays des brochettes sauce cacahuète !
Je les emmène aussi avec moi pour faire les courses au marché et ils m’aident à choisir les fruits et légumes. Ils aiment donner leur avis et vérifier quels sont ceux qui sont mûrs ou pas. Je me rends compte que c’est un bon moyen de les sensibiliser à ce qu’il y a dans leur assiette.
Nous sommes partis en vacances au Brésil il y a peu, et ils ont été très marqués par notre balade au marché local : un voyage à lui tout seul tant les variétés et les couleurs étaient incroyables. Les marchands leur ont fait goûter plein de fruits qu’ils ne connaissaient pas et c’était fabuleux de les voir réagir — parfois par des grimaces. Ils ne jurent dorénavant que par les fruits de la passion ! Du coup, j’essaie de trouver des fruits nouveaux ici aussi et de leur proposer d’en utiliser certains dans des recettes. Ils sont fans.
Peux-tu nous parler des joies et des difficultés que tu as rencontrées en nourrissant tes enfants, et en essayant de leur apprendre à être des mangeurs heureux et audacieux ?
Je les encourage toujours à goûter et je les félicite quand ils le font. Mon crédo c’est : « on est pas obligé d’aimer mais il faut goûter ». Mon fils est très réceptif à cette idée. Ma fille, elle, est plus dans une phase d’opposition, elle est moins curieuse de goûter à de nouvelles choses, et je ne la force jamais. Pour moi, l’expérience du goût et de la nourriture doit rester un plaisir.
Si elle refuse de manger un légume, je ne dis rien mais par contre, le jour où je refais ce même légume, je lui en mets d’emblée dans son assiette même si elle m’assène un claquant « je n’aime pas ça ». J’acquiesce, mais je lui dit qu’il faut qu’elle en prenne quand même un peu dans un coin de son assiette et je lui conseille de goûter de nouveau.
Même si ça ne marche pas non plus cette fois-là, il lui arrive souvent de finir par y goûter à un moment donné. A cet âge là, je n’ai pas l’impression que ce soit vraiment le dégoût d’un aliment mais plutôt le refus de goûter, donc il y a toujours la possibilité de les faire essayer sans qu’ils le ressentent comme une obligation mais plutôt comme un jeu.
Je les ai aussi très tôt habitués à manger des fruits secs et des graines. [Note : Les fruits à coque présentent un risque d’étouffement, et sont donc à éviter avant 2 ou 3 ans selon les sources. Même après, il faut les couper en petits morceaux qui ne risquent pas d’obstruer les voies respiratoires.] Du coup, en rentrant de l’école ou lorsqu’ils ont un petit creux, au lieu d’un gâteau sec, je leur donne un mix de graines de courges, de tournesol, de sésame, des noisettes, amandes, raisins secs, pruneaux ou encore des abricots secs, le tout dans un joli petit bol et c’est un rituel qu’ils aiment par dessus tout ! Je me rends compte que peu d’enfants autour d’eux aiment les graines et les fruits secs, et je dois dire que c’est une vraie joie pour moi de les voir prendre autant de plaisir à grignoter ces délices si bons pour la santé.
La seule vraie réticence que je vois de leur part à tous les deux est au niveau des herbes aromatiques : là, clairement, ils sont beaucoup moins audacieux. La solution récente que j’ai trouvée est de monter un mini-potager sur notre terrasse. Tous les jours, l’un ou l’autre est responsable d’aller arroser et cueillir du basilic, de la ciboulette, du thym ou de la menthe pour agrémenter les plats : ils se sentent responsabilisés et a-do-rent ça ! Ensuite, c’est eux qui coupent les herbes dans le plat et leur vision de la chose semble changer complètement : ils ont mangé de la ciboulette avec plaisir, si, si !