Les Parents qui cuisinent : Camille Labro

Camille, Cléo, Noé
Camille Labro avec Cléo, 6 ans, et Noé, 8 ans.

Camille Labro est journaliste culinaire (pour M le magazine du Monde) et cuisinière. Sur son blog, Le Ventre libre, elle raconte ses jubilations et tribulations gustatives, et explore toutes sortes de manières de manger mieux, en ville, aujourd’hui.

Camille est la mère de deux enfants, et je suis ravie de l’accueillir pour ma série d’interviews de Parents qui cuisinent. Lisez plutôt, ça fourmille de bonnes idées !

Peux-tu nous dire quelques mots sur tes enfants ? Leurs noms, leurs âges et leurs tempéraments ?

Noé, 8 ans, adore lire, manger, faire du vélo et du roller. Cléo, 6 ans, adore lire, manger, danser et dessiner. Ils sont tous deux très sociables, aventuriers en goût comme en expériences, toujours pleins de questions existentielles, et très jaloux des repas gastronomiques que je fais sans eux, dont ils dévorent les photos en me traitant de tous les noms.

Est-ce que l’arrivée de tes enfants a changé la façon dont tu cuisines ?

Pas vraiment, mais cela m’a structurée, et obligée à cuisiner plus régulièrement et réfléchir aux qualités nutritionnelles des repas. Je me suis fait une loi, depuis qu’ils mangent de tout, de faire des dîners équilibrés, qui comptent toujours une petite entrée (généralement un légume cru), un plat (protéine + glucide + légume), et un dessert très simple (laitage ou fruit).

Est-ce que tu te souviens ce que c’était que de cuisiner avec un nouveau-né, ou en tout cas un bébé très petit ? As-tu des astuces ou des conseils pour les jeunes parents qui traversent cette phase ?

Quand mes enfants étaient petits et que j’allaitais (je les ai allaités chacun pendant 9 mois), je ne travaillais pas ou très peu, j’avais donc pas mal de temps pour cuisiner. Je mettais le bébé dans son transat à côté de moi et je lui racontais ce que j’étais en train de préparer. En général, il m’écoutait avec beaucoup d’attention, et il aimait bien les mouvements, les bruits, les odeurs (c’était mieux qu’un mobile !). Et s’il s’impatientait, je lui donnais un bâton de carotte à sucer ou un croûton de pain à rogner…

Sinon pour les parents qui travaillent, l’astuce principale, je pense, c’est de préparer beaucoup de choses à l’avance. Prendre une journée par semaine, le dimanche par exemple, pour faire le marché puis cuisiner plein de plats qu’on congèle : plats en sauce, soupes, gratins…

Et puis, il y a des choses très simples à faire, comme mettre des petits steaks ou des filets de poisson au congélo, emballés individuellement (il n’y a plus qu’à sortir le nombre qu’on veut le matin, pour qu’ils soient décongelés le soir), préparer du pesto dans des bacs à glaçons (on compte un « glaçon » de pesto par personne pour une pasta), bien laver et sécher tous ses légumes, fruits, salades et les emballer au frigo pour qu’ils soient rapides à utiliser. Il faut un peu de logistique pour se décharger durant la semaine.

Quant aux dîners « sociaux », difficile de faire ça quand on est jeunes parents… Mais on peut toujours inviter ses amis… à venir faire le dîner ! J’ai pas mal fait ça quand j’étais débordée : tu aimes faire la cuisine? Viens manger chez moi, je m’occupe des courses et du couvert, tu cuisines pendant que je m’occupe du bébé. Ça peut être aussi à plusieurs, avec d’autres jeunes parents, et on se relaie aux fonctions. C’est en général très sympa, convivial et solidaire!

Camille Labro
Camille Labro, photographiée par son fils dans sa cuisine.

Au fil du temps, as-tu mis au point des recettes ou des stratégies qui te permettent de jongler entre la préparation des repas et les enfants ?

Les recettes que je fais pour les enfants sont très simples, mais elles ont du goût. J’y mets des épices, des herbes fraîches, de l’ail, des graines, de la levure de bière… Je consacre 30 à 45 minutes environ au dîner tous les soirs, pendant qu’ils regardent un petit film, avec un snack rituel, en général des bâtonnets de carotte, concombre, fenouil cru, un peu de tarama ou tapenade, quelques olives, cornichons ou amandes, parfois un bout de fromage.

Pour le repas, je commence généralement avec une salade verte ou composée (avec une vinaigrette légère et un mix de graines grillées), des avocats au citron (avec parfois des oeufs de truite), des betteraves crues râpées à l’orange et au ras-el-hanout, ou, en hiver, une soupe de légumes que je sers sur deux ou trois jours.

En plat, très souvent des petits poissons (sardines, maquereaux), des aiguillettes de poulet, de la viande rouge seulement une fois par semaine, souvent des tartes salées, des pâtes ou des risottos avec pleins de légumes dedans (le meilleur moyen de faire manger des légumes aux récalcitrants). Et je ne fais pas de dessert : c’est yaourt ou fruit. Je fais parfois des plats en double ou triple, et j’en mets au congélo pour les jours pressés.

As-tu trouvé le moyen d’impliquer tes enfants dans ta cuisine ?

Evidemment le plus simple, c’est la pâtisserie. Ils adorent touiller, fouetter, verser, et bien sûr lécher les restes de pâte ou de chocolat. Faire un gâteau le weekend est une activité idéale pour les jours pluvieux. Nous confectionnons aussi souvent des boulettes, des samosas, des raviolis. Tout ce qui se rapproche des activités manuelles (modelage, découpage, collage) marche très bien car ce sont des gestes qu’ils connaissent.

Je les emmène aussi régulièrement au marché (le dimanche matin, à Bastille ou Aligre), pour qu’ils voient les légumes, les fruits, les poissons, et qu’ils choisissent avec moi. Ainsi, ils ont participé à ce qu’ils vont manger, ils se sentent investis. Au retour du marché, je leur fais faire des petits travaux minutieux, comme l’épluchage des fèves, des artichauts, et même le désarrêtage (à la pince à épiler) des filets de poisson ! Je les félicite énormément, et je les appelle mes « super petits chefs ». Et je commence maintenant à leur faire confiance avec les couteaux et le fourneau.

Mais le mieux, pour inciter les enfants à s’impliquer dans les préparations et dans la dégustation, reste de faire pousser des aliments nous-mêmes (sur le rebord de la fenêtre si on n’a pas de jardin). Si ce sont « leurs » tomates, leur basilic, leur ail frais, leurs radis, leurs haricots, ils voudront les préparer eux-mêmes, les manger, les partager, les faire goûter aux autres. Ils prennent ainsi conscience du cycle de la vie, et ils sont fiers et heureux ! C’est inratable et je conseille à tous les parents d’essayer, même avec un pot et trois petites graines de rien du tout. Le résultat est énorme.

En tant que passionnée de cuisine, peux-tu nous parler des joies et des difficultés que tu as rencontrées en nourrissant tes enfants, et en essayant de leur apprendre à être des mangeurs heureux et audacieux ?

Essentiellement des joies, la joie qu’ils goûtent et regoûtent, ma fille qui me dit « Tu sais, en fait, j’adore les poireaux » après les avoir détestés plusieurs fois, mon fils qui se délecte d’artichauts grillés, de poutargue, d’oignon vert, d’anchois crus marinés — des choses pas évidentes pour les enfants. La joie aussi de trouver des solutions pour que ce soit bon, au goût comme pour la santé. Essayer des choses, comme le germe de blé ou la levure de bière sur les salades, ou encore toutes sortes d’herbes et d’épices, qu’ils se mettent à adorer.

La difficulté, c’est de ne jamais les forcer, tout en les incitant toujours à goûter avant de dire non. Finalement, je les force tout de même un peu à prendre au moins une bouchée, mais en général, ils goûtent et puis ils finissent toute l’assiette.

Le plus grand plaisir, je crois, c’est le partage du repas. Depuis qu’ils sont tous petits, nous mangeons tous ensemble, à table. Jamais je ne les fais dîner avant « les grands ». Ils mangent la même chose et en même temps que nous. Le repas partagé est, pour nous, une valeur essentielle, génératrice de liens, de bien-être, de conversations, de découvertes, d’amour.

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