Permettez-moi de vous présenter Matthew Amster-Burton, mon nouvel invité pour la série des Parents qui cuisinent.
Matthew est une plume de talent dont j’adore l’humour, et qui écrit aussi bien sur les finances personnelles que sur la cuisine (ses articles ont été inclus dans pas moins de cinq éditions de l’anthologie annuelle Best Food Writing).
Il co-anime le podcast Spilled Milk avec Molly Wizenberg, et il est l’auteur du livre Hungry Monkey: A Food-Loving Father’s Quest to Raise an Adventurous Eater, et du récent Pretty Good Number One: An American Family Eats Tokyo.
Matthew a une fille de neuf ans, et comme vous pourrez le constater, son approche est ludique, détendue et pleine d’astuce. J’espère que ses réponses vous plairont autant qu’à moi.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta fille ? Son nom, son âge et son tempérament ?
Iris a neuf ans, et c’est une enfant très facile. Elle aime aller à l’école et on s’entend bien. J’en profite pendant que ça dure.
Est-ce que l’arrivée de ta fille a changé la façon dont tu cuisines ?
Oui, en mieux et en moins bien. Je suis devenu beaucoup plus fiable, et on peut maintenant compter sur moi pour préparer à dîner et que ce soit prêt à une heure raisonnable. Je suis aussi moins enclin à cuisiner un plat compliqué qui prend la journée : pendant des années j’étais trop fatigué, et une fois mon énergie retrouvée, je me suis aperçu que ça ne me manquait pas, donc j’ai continué à cuisiner surtout des choses simples. Cela semble être le cas pour de nombreux parents.
Le côté négatif, c’est que je compose probablement un peu trop avec les goût d’Iris. Il y a des plats que j’aimerais bien servir, mais je sais qu’Iris les détesterait. Ils sont quand même de moins en moins nombreux à mesure qu’elle grandit. Par exemple, récemment, elle a décidé qu’elle aimait à nouveau les choses épicées après les avoir abandonnées à l’âge de deux ans. Donc le curry thaï a de nouveau droit de cité, enfin !
Est-ce que tu te souviens ce que c’était que de cuisiner avec un nouveau-né ? As-tu des astuces ou des conseils pour les jeunes parents qui traversent cette phase ?
Presque tout ce qui touche au fait d’avoir un nouveau-né est terrible. Mon conseil : si quelqu’un vous propose de vous apporter à manger, dites oui ! Personne ne devrait culpabiliser pour ce qu’on fait pour survivre aux trois premiers mois d’un bébé.
Au fil du temps, as-tu mis au point des recettes ou des stratégies qui te permettent de jongler entre la préparation des repas et ta fille ?
J’ai toujours essayé de faire en sorte qu’au moins un aspect du dîner convienne à Iris, mais il y a souvent d’autres éléments qui sont plus difficiles pour elle.
La stratégie la plus importante, c’est de ne jamais en faire toute une histoire, quel que soit le sujet. Un enfant à table, c’est comme un prédicateur de rue : dès que vous vous rentrez dans leur jeu, ils ont gagné. Ce n’est pas que je pense que la nourriture donne toujours lieu à un rapport de force, loin de là. Mais c’est clairement un sujet émotionnel, et si quelqu’un doit désamorcer les crises, c’est évidemment le parent. Pour moi, cela consiste à servir des repas qui prennent en compte (sans être dominés par) les goûts d’Iris, et à ne pas tenter de la persuader ou de l’amadouer. Plus facile à dire qu’à faire.
Il y a quelques années, j’ai institué le système du choix de la semaine. Chaque semaine, Iris doit choisir un repas, ce qu’elle veut, et je le prépare. C’est super pour moi, parce que j’aime cuisiner mais je déteste décider. Récemment, elle a choisit un gratin de pâtes, du mapo tofu, et du riz gluant au porc et aux champignons. (En général, elle laisse les champignons sur le bord de l’assiette.)
As-tu trouvé le moyen d’impliquer ta fille dans ta cuisine ?
Jusqu’à il y a peu, Iris passait plus de temps à cuisiner avec sa mère, qui est plus branchée pâtisserie. Je suis assez possessif avec mon espace de travail, et même si je comprends bien en théorie qu’on ne peut pas apprendre à cuisiner sans faire des erreurs, j’aime autant que ça se fasse quand je ne suis pas là.
Mais l’année dernière, j’ai prévenu Iris que quand elle aurait neuf ans, elle aurait la responsabilité d’un dîner par semaine, et que je serais son sous-chef. Elle a eu neuf ans il y a quelques semaines, et pour l’instant ça se passe bien. Elle a fait des crostini avec des oeufs brouillés et du jambon, du chili, des tacos, et le plat de riz gluant dont je parlais plus haut. Ce weekend, elle veut faire du poulet sauté. Parfois je l’aide un peu, parfois je l’aide beaucoup. Elle adore me dire ce que je dois faire.
En tant que passionné de cuisine, peux-tu nous parler des joies et des difficultés que tu as rencontrées en nourrissant ta fille, et en essayant de lui apprendre à être une mangeuse heureuse et audacieuse ?
Je dis souvent pour plaisanter que je voulais appeler mon livre Hungry Monkey: A Food-Loving Father’s Futile Quest to Raise an Adventurous Eater (« Le Singe qui a faim : La Quête futile d’un père gourmand pour élever une mangeuse aventureuse »). Je peux contrôler, dans une certaine mesure, ce qu’Iris mange, mais pas ce qu’elle veut manger.
Cela dit, s’il y a une chose que j’aime avec les enfants, c’est qu’ils n’ont pas autant d’idées préconçues que les adultes sur ce qui est de la nourriture « normale ». Je suis allé au Japon plusieurs fois avec Iris, et on adore tous les deux les takoyaki, ces boules un peu gluantes au gingembre et aux oignons nouveaux avec un gros morceau de poulpe au milieu. On s’est aussi gavés de brochettes d’anguilles grillées — la chair du poisson est enroulée en spirale autour de piques en bambou. Le palais américain a fait beaucoup de progrès depuis une vingtaine d’années, mais je connais beaucoup d’adultes qui partent du principe que des boules de poulpe ou de l’anguille, ça doit être dégoûtant. Par certains côtés, les enfants sont moins difficiles que les adultes.
Je n’essaie pas de jouer la carte de « mon enfant mange mieux que le tien » parce qu’il y a plein de choses au Japon (tout morceau de tofu non frit, par exemple) auxquelles Iris refusait de toucher. Mais elle semble avoir hérité de moi l’idée selon laquelle la raison numéro un d’aller à l’étranger, c’est de profiter de la cuisine locale. Il y a pire comme raison, n’est-ce pas ?