Ce billet fait partie d’une série de portraits-interviews sur le thème de la cuisine des vacances.
Blandine Boyer est un auteur et styliste culinaire dont j’admire le style, la culture et l’anti-conformisme, tels qu’en témoigne son blog, L’Evier devant la fenêtre. Parmi ses dernières parutions, on peut citer Cuisines paysannes et Beurk ! C’est bon : Cuisine délicieuse de produits repoussants.
Elle nous parle de cueillette sauvage impromptue, des dangers de la charcuterie maison, et de locavorisme avant l’heure.
Où pars-tu en vacances cet été ?
J’irai bien sûr dans ma maison du Gard, probablement par le long chemin des écoliers : de Bréhat à Noirmoutier et Oléron, puis quelques jours en Irlande ou en Suède.
Emportes-tu des ustensiles ou des ingrédients particuliers quand tu pars en vacances ? Si oui, lesquels ? Si non, qu’est-ce que tu regrettes immanquablement de ne pas avoir emporté ?
Chaque fois je fais une liste de ce qui manque dans ma cuisine : planches à découper, plus de couteaux, des culs de poule… et la perds…
Chez les amis, partout on me met au fourneaux et je peste illico de n’avoir aucun matériel. Je songe sérieusement à me constituer une mallette de voyage : couteaux, fouet, maryse, passoire fine, girafe, planches à découper et aussi toutes les épices de base sans oublier le safran pour les bords de mer.
Quel est ton meilleur souvenir de cuisine des vacances ?
Malgré le fait que je suis plutôt carnivore, c’est d’avoir cuisiné une semaine à Bréhat quasi exclusivement la prise du jour ramenée par mes amis : bar, maquereau, poulpe, homard et étrilles à tous les repas pour une dizaine de personnes en moyenne, sans un seul couteau décent, avec une planche à découper de 25×12 pour des bars de 3kgs, quasiment pas d’épices et juste la lande devant la porte pour inventer chaque jour : salicorne, salade corne de cerf, chou marin, marjolaine, fenouil sauvage… Mais j’ai juré d’apporter du basmati et de la bonne huile d’olive, du vrai poivre, de la cardamome, du citron vert et du gingembre frais la prochaine fois.
Sinon c’est d’avoir cuisiné par procuration en réussissant à convaincre les jeunes cuistots d’un B&B d’une île de l’archipel de Stockholm de faire cuire les girolles que j’avais ramassées dans les bois en plus du repas du soir.
Et le pire souvenir (détails atroces bienvenus) ?
C’est très récent : à Pâques j’ai dégelé la dernière cuisse de « mon » premier cochon (tué et charcuté en décembre) et l’ai mis dans une saumure liquide pour faire un jambon d’York. J’ai travaillé dans les règles de l’art et ai laissé le jambon dans une grosse bassine dans le frigo de ma maison de campagne. Fin juin j’ai retrouvé le frigo à 17° avec le congélateur cadenassé de glace, la bassine ayant entrouvert la porte de son poids.
Le jambon était recouvert de 4 cm de moisissure noire joliment ourlée comme des champignons noirs qui auraient frayé avec des champignons de kéfir. J’ai songé un instant mettre le jambon dehors et laisser les sangliers cannibaliser leur cousin mais c’est la mort dans l’âme que je l’ai jeté à la poubelle. Le pire c’est qu’on était 3 « cocharcutiers » sur ce jambon exceptionnel…
As-tu une astuce ou une recette fétiche qui te facilitent la cuisine en vacances ?
Depuis toujours non pas une astuce mais une règle : LO CA VO RE, en fait instituée bien avant la sortie du concept.
Hormis l’épicerie « sèche », je n’achète que local, au producteur ou encore mieux au bord de la route, quelque part en Cévennes dans un triangle Aubenas-Alès-Bagnols sur Cèze : huile d’olive, pélardon, picholines, ail, pêches, nougat, tomates, melons, pintades, poulets, charcuterie cévenole… que je prépare le plus simplement du monde.
Il y a aussi toujours un panier dans la voiture pour les cueillettes sauvages imprévues : châtaignes, champignons, pommes sauvages, cynorrhodon…
Une recette ? La sauce tomate avec des morceaux, des tomates archi-mûres pelées à froid et épépinées et beaucoup d’ail et d’huile d’olive. Pendant qu’elle cuit, j’y rajoute de la frigoule (chez nous on ne dit pas farigoulette) que je vais chercher au dernier moment dans ma garrigue. On la mange avec de la saucisse cévenole cuite en spirale tout doucement jusqu’à ce que le jus caramélise.
Sinon, de la faisselle et du pélardon d’un jour, introuvable ailleurs, juste avec de l’huile d’olive, du fenouil sauvage, de la sarriette et de l’origan puis juste un tour de poivre.