A propos des photos pour mon prochain livre

The French Market Cookbook

Nous venons de boucler la dernière prise de vue pour mon prochain livre sur la cuisine des légumes, et comme je suis moi-même du genre à bien aimer faire un tour en coulisses, je me suis dit que j’allais vous parler un peu de comment ça se passe.

Pour mes deux premiers livres, j’ai pris toutes les photos moi-même, mais jouer les femmes-orchestre de cette façon n’a pas été l’expérience la plus zen de ma vie, donc pour ce nouveau projet, j’ai décidé de faire appel à une équipe de pros pour produire les photos.

Il me fallait donc trouver un(e) photographe et un(e) styliste pour les photos de plats, et j’avais envie de travailler avec Françoise Nicol et Virginie Michelin, parce que j’aimais beaucoup ce qu’elles avaient fait pour Nature, le livre d’Alain Ducasse. Elles étaient partantes, et mon éditrice a approuvé ce choix après avoir consulté leurs portfolios, donc nous avons pu nous mettre au travail.

Comme la saisonnalité est la pierre angulaire de mon livre, c’était important pour moi que l’on prenne les photos de chaque chapitre à la saison correspondante. Si on avait pris toutes les photos en une seule fois, comme ça se fait généralement pour des raisons pratiques, il aurait fallu travailler avec des fruits et légumes hors saison, et ça m’aurait posé un vrai problème de devoir pratiquer une démarche opposée à celle que je défends dans le livre. L’avantage, c’est aussi que ça abaisse le budget « ingrédients » puisque les produits de saison sont en général moins cher.

Seul petit contretemps : la styliste s’est blessée à la main une semaine avant la prise de vue d’automne, donc on a décidé de la reporter pour quand elle serait complètement remise, et de programmer l’automne et l’hiver à la suite. C’était possible sans compromis, puisqu’en réalité les étals d’automne ne sont pas si différents des étals d’hiver, et finalement ça a plutôt joué en notre faveur : au lieu de composer avec la faible lumière du début du mois de décembre, on a pu bénéficier des journées plus longues et plus lumineuses de la fin du mois de février.

The French Market Cookbook

Il y a cent recettes dans le livre, mais mon budget me permettait de produire quarante-huit photos de recettes (plus vingt-huit photos d’ambiance parisienne confiées à Emilie Guelpa), donc en préparation de la prise de vue pour chaque saison, il fallait choisir quels plats photographier. J’ai choisi ceux qui me paraissaient les plus intéressants visuellement, ainsi que les recettes qui pourraient être plus faciles à réaliser en ayant une illustration du produit fini. Ensuite, je regardais la sélection dans son ensemble, pour m’assurer qu’elle était harmonieuse et équilibrée en termes de type de plat, de couleurs, etc.

L’étape suivante, c’était de traduire les recettes de l’anglais (langue du manuscrit) vers le français pour les envoyer à la styliste une quinzaine de jours avant la prise de vue, pour que nous discutions de l’ambiance et de la présentation de chaque plat, et qu’elle puisse rassembler la vaisselle et les ingrédients nécessaires.

Pour chaque prise de vue — printemps, été, puis automne/hiver — nous nous retrouvions chez la styliste, où nous installions le matériel pour les quelques jours suivants : selon la complexité des recettes et la longueur des journées à cette période de l’année, nous pouvions produire quatre à six photos par jour.

La styliste, qui avait pour mission de cuisiner les recettes (avec un peu d’aide de ma part, et celle d’une assistante pour la dernière prise de vue), lançait les préparatifs pour chaque recette. Et pendant que les différents éléments reposaient ou cuisaient, nous discutions mise en scène : quel fond utiliser (parmi une sélection de tissus, planches de bois, planches peintes, pierres…), dans quelle vaisselle servir le plat, et quels accessoires (verres, couverts, serviettes…) ajouter pour donner vie à l’ensemble. Une fois qu’on était d’accord là-dessus, on cherchait la composition et l’angle idéaux.

Le défi, c’était de donner un style commun à toutes les photos, tout en donnant à chaque saison une tonalité différente, et à chaque image sa propre identité : on faisait donc bien attention aux couleurs, aux accessoires qu’on aurait déjà utilisés (quoique je ne sois pas opposée à voir réapparaître une assiette ou une cuiller, à condition qu’elle soit présentée un peu différemment), et aux types de fond, pour obtenir, là encore, un ensemble harmonieux et équilibré.

Ensuite, on passait à la phase plus délicate de disposition de la nourriture à proprement parler, pour que l’objectif puisse capturer le plat sous son jour le plus appétissant, frais et « vivant ». Des petits ajustements étaient faits à ce moment-là — ajouter un peu plus de sauce au caramel, faire pivoter (en jargon de styliste, on dit « visser » ou « dévisser ») l’amande qui attrape trop la lumière, ajuster la position de la pousse de salade qui se tient trop au garde-à-vous — et parfois on faisait plusieurs versions parmi lesquelles on choisirait plus tard.

The French Market Cookbook

Mon leitmotiv pendant ces journées, c’était « la vraie vie » — à tel point que la styliste et la photographe ont fini par me taquiner avec ça — mais c’était important pour moi que les photos reflètent une scène crédible et réaliste.

Bien sûr, pour produire une belle image, il faut utiliser des petits stratagèmes pour déjouer les lois de la perspective, caler ou surélever certains éléments, ou donner un peu de brillant aux herbes. Et bien sûr, le lecteur comprend très bien qu’une photo culinaire est une petite scène de théâtre : on fait semblant. Mais je préfère que mes recettes soient présentées simplement, et je ne voulais pas de chichis ou d’artifices qui auraient certes fait joli mais qui ne correspondraient à aucune situation réelle, comme des rubans noués autour des muffins, ou des ingrédients crus de la recette parsemés sur la table (qui fait ça dans la vraie vie ?).

Et j’essayais toujours d’imaginer l’histoire qu’on racontait. Pas une histoire compliquée avec trame et rebondissements, mais juste ça : est-ce qu’on est en train de regarder le plat tel qu’il vient d’être apporté à table ? Est-ce que quelqu’un vient de couper une part et de la poser dans l’assiette ? Est-ce que c’est l’assiette de quelqu’un qui vient de commencer à manger ? Est-ce que c’est un plat à partager, ou la part d’une seule personne, et si oui, est-ce que la quantité de nourriture paraît réaliste ?

Ces principes de base — et le talent de la styliste et de la photographe évidemment — nous ont permis de produire une très chouette collection de photos qui, je l’espère, attireront l’attention du lecteur, le mettront en appétit, et lui donneront envie de filer en cuisine séance tenante. J’aimerais vraiment (vraiment) pouvoir vous les montrer en amont de la parution du livre l’année prochaine — ça va être dur d’attendre ! — mais à défaut, j’espère que tout ça vous donne une idée du travail que ça implique.

Vous est-il arrivé d’assister ou de participer à une prise de vue ? Les choses de déroulaient-elles différemment ? Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires, je ferai de mon mieux pour y répondre.

The French Market Cookbook

Recevez la newsletter

Recevez GRATUITEMENT par email mes toutes nouvelles recettes, plus des infos et astuces exclusives. Vous pouvez aussi choisir d'être notifié dès qu'un nouveau billet est publié.

Lisez la dernière edition de la newsletter.






[11]
[11]
[11]
[11]