Moules au champagne et au safran (ou pas) Recette

Saffron Mussels

A la suite de mon billet sur la pêche durable, j’ai réalisé que lorsqu’on tient un blog de cuisine, on peut certes soulever le problème et essayer de faire soi-même des choix responsables, mais finalement, la façon la plus efficace d’agir reste peut-être de proposer des recettes qui mettent en avant les variétés marines les plus recommandables.

Il se trouve que Jacqueline Church, journaliste à Boston, est du même avis, et ce constat est à l’origine de Teach a Man to Fish*, l’initiative qu’elle a lancée pour sensibiliser la blogosphère et ses lecteurs à la question de la pêche durable. Si vous avez envie de participer en proposant votre propre recette, vous avez jusqu’à la fin du mois, et les instructions (en anglais) sont par là.

Pourquoi ai-je choisi de mettre mademoiselle la moule à l’honneur ? D’abord parce que les moules d’élevage** sont dans la colonne OUI! de mon guide de consommation responsable. Ensuite, parce qu’on est pile dans la saison (et ce jusqu’à la fin de l’hiver), et enfin parce que, bien que délicieuses, pleines de bonnes choses, et faciles à accommoder, les moules restent une source d’angoisse pour la plupart des gens (c’est le syndrome « il y a des choses vivantes dans mon évier »), qui ne se pressent donc pas trop pour les cuisiner.

D’ailleurs, moi qui vous parle, j’ai mis très longtemps à comprendre l’intérêt de manger des moules.

Je n’aimais ni le goût, ni la texture, ni le jus collant qui vous dégouline le long des poignets, et je préférais passer mon tour. Lorsque Maxence et moi nous sommes rencontrés, il y a bien des lunes, on allait parfois manger dans cette chaîne de restaurants bruxellois qui vous attendent sur les boulevards à la sortie des cinémas parisiens, et dont les moules sont, sans grande surprise, la spécialité. Pendant que Maxence s’en délectait, je dînais d’une gaufre liégeoise, servie avec sauce chocolat et glace à la vanille, et tout le monde était content.

Et puis mes papilles ont mûri, j’ai commencé à apprécier tout ce qui vit dans une coquille, et lorsque nous avons fini par aller passer un weekend à Bruxelles, je n’avais qu’une idée en tête : manger des moules à chaque repas. C’est d’ailleurs en gros ce que nous avons fait.

Les moules que j’achète chez mon poissonnier sont des moules de bouchot*** de la baie du Mont Saint-Michel, baie qui se trouve techniquement en Bretagne alors que le Mont lui-même fait partie de la Normandie, mais je préfère éviter de m’étendre sur ce sujet ô combien explosif. Glissons.

Vendues donc sous leur label à rallonge (« Moules de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel AOC »), ces moules sont protégées par une appellation d’origine contrôlée, et furent d’ailleurs, en 2006, le tout premier produit de la mer à bénéficier d’un tel statut.

Cette recette s’inspire de la recette classique des moules marinière, dans laquelle on cuit les moules vivantes dans un bouillon tout simple, préparé avec du vin blanc sec, des échalotes, des herbes, du beurre, et un trait de vinaigre.

J’avais envie d’en faire une interprétation un peu plus festive, donc j’ai parfumé le bouillon au safran (le meilleur ami de la moule ; le mien vient de chez Goumanyat). Et comme il se trouve que j’avais un fond de champagne au frais, les moules ont eu droit à un jacuzzi version luxe, en lieu et place du vin blanc. Ceci étant dit, vous pouvez absolument zapper le safran et utiliser un vin blanc sec meilleur marché, pétillant ou non : j’ai déjà fait la recette comme ça, et à vrai dire, le résultat est tout aussi bon.

La façon la plus simple et la plus satisfaisante de déguster les moules est de se servir d’une moule vide comme d’une pince pour attraper la chair de ses compagnes d’infortune. Il est donc charitable de penser à équiper vos invités d’une grande serviette et d’un rince-doigts : surtout pas une lingette jetable (vous plaisantez), mais un petit bol d’eau chaude dans laquelle nage une tranche de citron.

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* Teach a man to fish signifie littéralement : « Apprenez à un homme à pêcher, » mais c’est en fait une allusion à une parabole bien connue sur l’autosuffisance : « Si tu donnes un poisson à quelqu’un, il aura de quoi manger ce jour-là ; si tu lui apprends à pêcher, il aura de quoi manger toute sa vie. »

** Interlude lexical : l’élevage de moules s’appelle la mytiliculture, l’élevage d’huîtres l’ostréiculture, et l’élevage de coquillages en général s’appelle la conchyliculture, ce qui peut être pris pour une insulte si on n’entend pas bien, et n’englobe pas mon préféré : l’élevage des escargots, ou héliciculture.

*** Une moule de bouchot est une moule qui a été élevée sur un bouchot, un pieu en bois planté dans le sable, et autour duquel une corde est entourée en spirale : les moules sont invitées à bien vouloir s’accrocher à la corde, et sont ainsi exposées à l’air et à l’eau, alternativement, au gré des marées.

Moules au champagne et au safran (ou pas)

– une pincée de pistils de safran (facultatif)
– 1.8 kg de moules fraîches, environ 2.5 litres (voir note)
– 15 g de beurre
– 4 petits oignons jaunes, environ 250 g, finement émincés
– 1 gousse d’ail, finement hachée
– 240 ml de champagne brut, ou de vin blanc sec, pétillant ou non
– 2 poignées de persil plat, ciselé
poivre du moulin
– 2 à 4 c.c. de crème fraîche épaisse

Pour 4 personnes en entrée, 2 personnes en plat généreux.

Si vous utilisez le safran, mettez-le dans un petit bol avec 1 c.s. d’eau bien chaude et réservez.

Mettez les moules dans une bassine et remplissez-la d’eau fraîche. Brassez les moules en les frottant les unes contre les autres dans l’eau. Retirez les moules de l’eau (en les pêchant avec vos mains pour laisser les impuretés dans le fond), videz la bassine, et recommencez 1 ou 2 fois, selon que l’eau vidée est claire ou trouble.

Placez une grande passoire sur un saladier. Prenez les moules une par une pour les examiner. Si une moule a la coquille fendue ou cassée, jetez-la. Sinon, vérifiez que la coquille est bien fermée. Si elle ne l’est pas, tapez dessus avec l’ongle ; si la moule ne se referme pas, jetez-la. La plupart des moules auront touffe de cheveux grisâtres coincée dans la coquille ; tirez dessus avec les doigts pour l’arracher et jetez-la (on appelle ça « ébarber »). Grattez les éventuelles saletés ou petits coquillages qui seraient collés à la coquille, et mettez la moule dans la passoire. Faites de même avec le reste des moules et rincez-les à l’eau claire une dernière fois.

Faites fondre le beurre dans une cocotte à feu moyen-vif. Quand le beurre commence à mousser, ajoutez les oignons et l’ail et faites cuire 5 minutes en remuant souvent, jusqu’à ce que les oignons soient souples et translucides.

Ajoutez l’infusion de safran et les moules. Faites cuire 3 minutes en remuant les moules régulièrement jusqu’à ce qu’elles commencent à s’ouvrir. Ajoutez le vin, amenez à frémissement, et faites cuire 5 minutes de plus, ou jusqu’à ce que les moules soient bien ouvertes. Evitez de les faire cuire trop longtemps, sinon elles seront caoutchouteuses.

Répartissez les moules et le bouillon dans des bols larges et peu profonds, parsemez de persil ciselé et de poivre, et ajoutez une cuillerée de crème fraîche dans chaque bol. Servez sans attendre, avec un bol supplémentaire pour mettre les coquilles vides. (Toute moule qui ne se serait pas ouverte à la cuisson doit être jetée.)

Note : Achetez vos moules vivantes auprès d’un poissonnier en qui vous avez entière confiance. Si vous ne les cuisinez pas immédiatement, gardez-les au frais dans un saladier recouver d’un torchon (ne les mettez pas dans un récipient hermétique, elles ne pourraient plus respirer). Certaines sources indiquent que les moules se gardent ainsi un jour ou deux, mais personnellement, je les cuisine toujours le jour-même.

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